"L'Empire des lumières" de Magritte vendu aux enchères pour la somme record de plus de 61 millions d'euros
Le tableau "L'empire des lumières" de l'artiste surréaliste belge René Magritte a été vendu mercredi à plus de 61 millions d'euros lors d'une vente aux enchères organisée par Sotheby's à Londres.
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- Publié le 02-03-2022 à 19h33
- Mis à jour le 03-03-2022 à 09h00
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Il y avait quelque chose de troublant, voire de choquant, de parler ventes record de tableaux à Londres, à l'heure où Poutine mène sa guerre en Ukraine et menace l'Europe. Mais le marché de l'art a pourtant continué, engrangeant même quelques nouveaux records. Mardi, Christie's annonçait déjà un record pour un tableau de Franz Marc vendu à 42 millions de dollars.
Sotheby's, de son côté, avait bien préparé sa vente du Magritte. Il avait même refait sa façade à Londres, à la New Bond Street, pour la transformer en image de L'Empire des lumières de Magritte. Auparavant, l'œuvre avait été exposée à Los Angeles, New York, Hong Kong et enfin à Londres.
Après quelques minutes d'enchères, le prix s'est arrêté mercredi, peu après 19 h 30, à 59,4 millions de livres avec les frais inclus, soit 79,8 millions de dollars, somme supérieure au prix garanti de 62,5 millions de dollars.
Ce prix était attendu, même si on aurait pu assister à une déprime du marché avec la situation de guerre qu'on connaît. L'acheteur est asiatique et, sans doute, chinois. La même soirée a vu un Monet (Nymphéas) vendu à 20 millions de livres et un Picasso de 1938, à 10 millions.
Ce prix vient plus que doubler le précédent record pour un Magritte qui était de 26,8 millions de dollars pour la vente en 2018 chez Sotheby's à New York du tableau Le Principe de plaisir. Datant de 1937, c'était le portrait d'Edward James, la tête cachée par une grande lumière.
Magritte rejoint ainsi les artistes les plus chers, même s'il reste encore loin des records de Warhol (105 millions de dollars), Picasso (180 millions) ou Modigliani (170 millions).
Cette version de 1961 de L'Empire des lumières était exceptionnelle par sa taille (114,5 x 146 cm), par sa qualité et parce qu'elle était mise en vente pour la première fois, ayant jusqu'ici toujours appartenu à la famille belge Crowet et en particulier à Anne-Marie et Roland Gillion Crowet.
Ce tableau avait été exposé au musée Magritte de 2009 à 2020, avant que les Gillion Crowet ne le retirent pour préparer cette vente.
Une série iconique
Cet Empire des lumières fait partie d'une série iconique de dix-huit peintures que Magritte avait commencée dès 1948 et poursuivie dans les années 1950-1960. On y retrouve cette étrangeté typique, un ciel de jour et un sol de nuit, avec la seule lumière d'un réverbère, un jeu d'ombres et de lumières qui permet le magique, le rêve, l'intemporel, mais aussi la peur, car on dit que ce tableau très cinématographique inspira le film L'Exorciste !
Sotheby's comparait la série des Empire des lumières à celle des Meules ou des Nymphéas de Monet.
Michel Draguet (musée des Beaux-Arts) évoquait des tableaux tous différents : "Magritte a fait varier les dimensions du tableau, sa composition, parfois horizontale, parfois verticale. Il a acquis une maîtrise de plus en plus grande du sujet pour atteindre ce mélange idéal à ses yeux entre un quasi-hyperréalisme et l'image paradoxale d'une maison, la nuit, avec deux fenêtres allumées, éclairée par un seul lampadaire, sous un ciel de jour."
La première version, celle de 1948, fut achetée par Nelson Rockefeller. Une version fut montrée à la Biennale de Venise en 1954 et Magritte dut en faire quatre autres versions pour satisfaire les candidats acheteurs : Peggy Guggenheim, le musée bruxellois des Beaux-Arts, le MoMA et la Menil Collection.
René Magritte avait peint la version mise en vente à la demande de son ami et protecteur l'avocat et collectionneur Pierre Crowet, le père d'Anne-Marie Gillion Crowet, celle qui, avec son mari, a collectionné l'Art nouveau qui occupe un étage du musée Fin de siècle. Les parents d'Anne-Marie étaient de grands amis de Magritte.