Yasemin Senel n’a pas son pareil pour nous travestir ses vérités
Le tout dans une joyeuse cavalcade d’allusions existentielles.
Publié le 03-03-2022 à 16h32 - Mis à jour le 03-03-2022 à 16h35
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Originaire de Turquie, où elle est née en 1953, Yasemin Senel, qui a étudié aux Beaux-Arts de Liège, est une habituée de longue date des cimaises de chez nous et d’ailleurs, sa résidence bruxelloise lui ayant longtemps servi d’exutoire au plaisir de montrer des artistes qu’elle appréciait particulièrement.
Aujourd’hui, aux mains de Justine Jacquemin, la Galerie Dys rend, comme il se doit, hommage à la grande dame qui lui aura valu de belles reconnaissances internationales.
Libérée des contraintes liées à ses entreprises sociales et culturelles, Yasemin Senel semble avoir mis à profit son temps libéré pour nous offrir une exposition qui surpasse en qualité et en émotions chromatiques tout ce qu’elle a pu nous valoir jusqu’ici.
Un peu comme si, peut-être, ses collusions avec des créateurs et créatrices, souvent plus jeunes qu’elle-même, l’avaient poussée à s’élever davantage au-dessus des mêlées. Yasemin Senel aime les artistes qui décèlent, sous l’écorce, tout ce qui tresse une vie de félicités et de déprimes. Elle adore l’humour sous l’humeur et ces histoires qui sont bien plus que des contes à dormir debout.
Carnaval, dites-vous…
L’impression est immédiate quand tout un monde onirique s’offre à vous. Un monde hirsute façonné de couleurs fluo. Un monde et des émotions, un tout intrigant à déceler sous les surpeints. Des bêtes et des hommes, des fleurs et des monstres, des cœurs et des perles, des visages, des angoisses, enveloppés de rose bonbon. Des enchevêtrements et des limpidités.
Carnaval de masques, de visages, d’intrigues et bouquets fleuris joliment peaufinés. La vie et la mort comme réunis dans un halo de songes sous le chapeau de la fantaisie.
Il y a des peintures sur toiles et sur papiers. Il y a des dessins en noir et blanc en lesquels s’entrechoquent d’autres masques, d’autres fleurs, d’autres regards perdus. Absents ?
Dans les peintures, beaucoup de rose, de jaune, avec des violets, des verts, des bruns en embuscade. En embuscade comme l’est, à tout coup, la mort qui veille sous la mascarade.
Cela gesticule et se promène
Cela gesticule dans les peintures et les dessins de Yasmine Senel. Et se promène dans l’incongru de situations parfois cocasses, parfois cruelles sous le masque. C’est à perte d’espace, tellement tout se tient d’une peinture à l’autre.
C'est plastiquement tendu et généreux, harmonieux dans la juxtaposition des éléments qui composent l'image et l'intrigue. Black Moon, Masked Angel, Confetti, Gilgamesh, Toys, Ophélia, Bain de soleil, Le cri de la forêt, cette dernière peinture recueillant nos préférences en raison des imbroglios qui l'agitent, sorte de résumé parfait de toutes les quêtes d'une artiste qui se mouille le maillot avec la conscience tranquille de dévoiler, comme sans y toucher, une grande part de ses vérités.
Techniques mixtes et acrylique, l’harmonieux dans le déjanté, et voilà que les travaux de quatre années de remises en question, leurs couleurs vives et leurs blancs délicats, presque dentelles parfois, nous racontent combien une artiste responsable fait son miel entre vie et mort, entre amour et espoir.
Un beau démarrage en fanfare pour l’année des vingt ans d’une galerie dont nous avons, de longue date, suivi le parcours. Un parcours qui aura sans cesse su se renouveler et sortir des sentiers battus.
Le cri de la forêt, pour en revenir à lui, a été inspiré à l'artiste par ces incendies ravageurs et répétés qui, l'an dernier, avaient flambé au Portugal et poussé les animaux à fuir des espaces devenus mortifères, incontrôlables. Nos vies seraient-elles, à certaines heures, soumises à ces sortes d'incendies qui nous font voir le pire avec effroi ? On est bien payé pour le savoir, en ce moment surtout !
Yasemin Senel - Carnaval Art contemporain Où Galerie Dys, 84, rue de l'Arbre Bénit, 1050 Bruxelles. www.galeriedys.com et 0496.27.49.54 Catalogue de 30 pages tout en couleur. Quand Jusqu'au 3 avril, jeudi et vendredi, de 11 à 18h ; samedi et dimanche, de 14 à 18 heures.
