Laarne, vrai conte de fées pour l’art contemporain
Superbe exposition au château médiéval de Laarne avec une vidéo magnifique de David Claerbout.
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Publié le 12-03-2022 à 09h48 - Mis à jour le 12-03-2022 à 09h50
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Tout près de Gand, le château de Laarne a tout d’un conte de fées. Il est un des mieux conservés de Belgique. Jamais détruit, jamais brûlé, il a gardé son atmosphère unique, avec un donjon et des tours, des douves avec pont-levis, un parc. Les parties les plus anciennes remon-tent au XIIe siècle. On y retrouve ses sols anciens de pierres, ses tapisseries et meubles d’époque, une su-perbe collection d’argenterie.
Légué en 1953 par le comte de Ribaucourt, il fait partie de l’Association des demeures historiques avec les châteaux de Beersel et Corroy-le-Château.
Pour la première fois, il s’ouvre à une exposition d’art contemporain, organisée par Kris Martin, et c’est une très belle réussite à voir jusqu’au 22 mai.
Kris Martin, né en 1972 à Courtrai et qui vit à Mullem près de Gand, a encore montré en 2020 dans sa grande expo au Smak de Gand qu’il était le plus poète et le plus philo-sophe de nos artistes. Depuis vingt ans, exposé souvent dans le monde, il crée des œuvres parfois microsco-piques, parfois macro, en opérant simplement de petits déplacements du quotidien, qui nous font toucher les grandes questions de la vie et de la mort, de la fugacité des choses, de l’éphémère de nos existences.
A Laarne, il n’a pas voulu agir en commissaire d’expo, mais a invité les artistes belges qui l’ont formé et influencé et qui, tous, ont immédiatement accepté d’occuper une salle ou deux avec des oeuvres souvent inédites. La liste des artistes présents est impressionnante avec Francis Alÿs, Thomas Bogaert, Michaël Borremans, Dirk Braeck-man, David Claerbout, Berlinde De Bruyckere, Wim Delvoye, Kris Martin, Daniël Ost, Matthieu Ronsse, D.D.Trans et Jan Van Imschoot. Kris Martin leur a juste proposé le mot Nadir, c’est-à-dire le point directement op-posé au zénith, celui qui est sous l’observateur, « le trou noir ». Une des œuvres de Kris Martin au château est un creuset de sidérurgie. Quand on se penche pour voir l’intérieur, vers le nadir, on se voit soi-même en miroir.


Arvo Pärt
Visiter cette exposition est un constant plaisir. Avec des chefs d’oeuvre comme le nouveau film The Close (2022, 15 minutes) de David Claerbout qui a mis deux ans à le réaliser. Il est parti d’un film amateur pris à Glasgow en 1911 avec des enfants pauvres jouant dans les ruelles. La caméra s’attarde sur un enfant et c’est alors que David Claerbout intervient en ayant reconstitué, image par image, le corps en 3D du garçon et imaginant sa caméra virtuelle tournant lentement autre de lui tandis que monte le Da pacem Domine d’Arvo Pärt. Cette oeuvre superbe d’émotion fait désormais partie du Concertgebouw de Bruges.
Au sommet d’une tour, là où on torturait des femmes accusés de sorcellerie, Dirk Braeckman a accroché, à peine visible, le grand corps nu à l’envers d’une femme semblant plonger vers le nadir.
Au milieu d’une collection d’armes anciennes, une série de très beaux dessins de Francis Alÿs semblent désarmer ces reliques guerrières. Dans le coffre-fort des argente-ries, Michaël Borremans dévoile de nouvelles et étranges petites peintures.
Wim Delvoye est comme chez lui dans les salons du château avec ses cochons recouverts de tapisseries et, placées contre un mur, ses planches à repasser couvertes de blasons héraldiques. L’un d’eux a les couleurs de l’Ukraine pour montrer sa solidarité.

Autre moment d’émotion avec les œuvres de Berlinde De Bruyckere qui a déposé dans deux sortes de chapelles médiévales, le torse d’un homme et le corps d’un poulain mort, comme endormi pour toujours.
L’expo permet de découvrir l’art surréaliste de D.D. Trans, qui a par exemple laissé sur l’évier de l’ancienne cuisine le pot vert d’un détergent bien connu, mais a détourné la marque devenue Tears Ultra, on lave avec ses larmes.

L’excellent Matthieu Ronsse présente dans ce château royal, un portrait de Delphine Boël. Et Kris Martin a coulé en bronze une ruche d’abeilles qui, frappée par les visiteurs ,résonne très longtemps. Autour du portail de sortie, il a collé des affiches où il offre aux artistes invités, Life after Death, "la vie éternelle".
Nadir, au château de Laarne, Eekhoekstraat 5, jusqu’au 22 mai, du mardi à dimanche, de 10 à 18h