La modernité et l’humanité d’Anto-Carte
Le BAM à Mons met bien en lumière l’importance du peintre dans notre histoire de l’art.
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- Publié le 23-03-2022 à 17h21
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L’exposition au BAM à Mons consacrée à Anto-Carte (né à Mons en 1886 et mort à Ixelles en 1954), permet de redécouvrir un grand peintre bien plus moderne qu’on l’a souvent dit. Longtemps, Antoine Carte qui depuis 1917 signait ses tableaux du noms d’Anto-Carte, fut, comme d’ailleurs le groupe Nervia réuni autour de lui, mal connu, qualifié à tort d’anti-moderne, de « théâtral » ou d’ « imagier » disait-on. Les projecteurs étant au sud du pays braqués sur le seul surréalisme et au nord, sur l’expressionnisme de l’école de Laethem.
Déjà, l'exposition rétrospective d'Anto-Carte à Mons en 1995 avait corrigé cette image. Et en 2015, une passionnante exposition au musée d'Ixelles confrontait les peintres de l'école de Laethem à Anto-Carte, démontrant qu'il n'avait rien à envier aux premiers. Ils ont grandi semblablement en réaction aux mouvements internationaux comme l'abstraction et le surréalisme, face à un certain modernisme `excessif ́ à leurs yeux.

L'horreur de la Première Guerre mondiale puis la grande crise de 1930 les conforteront dans ce sens, il s'agit de quitter les villes, de revenir à la campagne, vers la vérité de l'humain, vers la figuration, de retrouver nos racines, y compris religieuses. C'est symboliquement en 1918, au lendemain de la guerre, qu'Anto-Carte signait une Pietà bouleversante qui marquait le tournant 'anti-moderne' de sa carrière. Anto-Carte comme l'école de Laethem cherchaient aussi une inspiration dans les grands peintres du passé comme Bruegel et ses tableaux d'aveugles et paralytiques.
A Venise
Si Anto-Carte refusait `l'avant- garde à tout prix ́, s'il voulait redonner ses lettres de noblesse à la figuration, retrouver l'humanisme et la beauté classique, il était cependant très sensible à la contemporanéité. L'exposition à Mons montre bien que son talent était original et moderne comme en témoignait déjà le choix d'Henry Van de Velde créant La Cambre, voulant placer son école à la pointe de la modernité et nommant Anto-Carte professeur en 1929 ! Anto-Carte participa aussi à la Biennale de Venise en 1920 et dans la foulée, fut invité aux Etats-Unis, au Mexique, élu membre du jury du prix de Rome.
L’expo montre que, grand peintre, il connaissait et parfois adaptait la nouveauté des cubistes et des fauves parisiens : symbolisation des corps, perspective écrasée, décomposition du sujet, couleurs fortes. En y ajoutant d’incroyables « trognes » comme le faisait Van de Woestijne.

On retrouve chez Anto-Carte, la vie des champs, les ouvriers, les gens ordinaires. Les scènes religieuses sont adaptées au Borinage et aux campagnes du début du XXe siècle. Il met en avant les visages burinés des travailleurs, les mains usées des paysans, mais aussi la douceur des maternités et les paysages doucement ondulés du Hainaut. Ses tableaux ancrés dans la terre wallonne sont en même temps baignés de lumière, « De terre et de ciel » dit le titre de l'expo.
Si tout n’est pas de qualité égale, on retrouve à Mons des magnifiques tableaux immédiatement reconnaissables comme des oeuvres d’Anto-Carte, qui se situent à la lisière de l’expressionnisme et du symbolisme. S’iI reprend souvent l’iconographie chrétienne, il la transforme en image des hommes et femmes au quotidien. Et autour de ses figures parfois si expressionnistes, ses tableaux ont de grandes plages quasiment abstraites.
Sa superbe Madone aux mouettes (1920) renouvelle l'image de Marie, sa Pietà renvoie aussi à la mort tragique des mineurs. Dans L'Annonciation, l'ange Gabriel est un paysan et dans un triptyque étonnant, le mort en Croix est une sirène sortie de la mer. Le Semeur est d'une force plastique magnifique comme l'est L'Effort qui exprime le célèbre poème du Passeur de Verhaeren.

Pour l'exposition et autour du thème du Retour du fils prodigue, Caroline Lamarche a écrit une magnifique nouvelle Tombe neige qu'on peut entendre à l'exposition et qui est publiée à part, illustrée par les beaux collages d'Evelyne Duval qui a une exposition dans la salle aux piliers.
A l’étage supérieur, on confronte Anto-Carte à des oeuvres des collections de Mons, dont de superbes Wyckaert et Brusselmans, des gravures de Dürer, un dessin de Van Gogh et deux statuettes en albâtre du grand sculpteur Jacques Du Broeucq.
--> Anto-Carte, au BAM à Mons, jusqu’au 21 août