Anselm Kiefer, nouveau Doge à Venise
Anselm Kiefer occupe avec ses immenses tableaux une salle prestigieuse du Palais des Doges.
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- Publié le 26-03-2022 à 10h28
- Mis à jour le 26-03-2022 à 10h30
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Impressionnant ! Anselm Kiefer occupe jusqu'au 29 octobre tous les murs, jusqu'au plafond, d'une des salles les plus prestigieuses de Venise : la Sala della Scrutinio au Palais des Doges (Palazzo Ducale). Cette salle était réservée aux élections, à commencer par la plus importante, celle du Doge. Le Palazzo Ducale est ce lieu incroyable où Carpaccio, Bellini, Titien, Veronese, Tintoretto ont peint.
Venise avait proposé en 2019 à Kiefer d’occuper la salle mais avec le Covid, la réalisation a été reportée et s’ouvre maintenant en parallèle avec la prochaine Biennale d’art contemporain de Venise.

Anselm Kiefer y fait bien sûr encore du Kiefer : des énormes tableaux de terres, plomb, végétaux, autres métaux, peinture, gomme-laque, craie, cendres, cailloux, papiers carbonisés, paille, feuilles d’or, jusqu’à y inclure bateaux, vêtements et chaussures. Le travail de Kiefer fonctionne par strates de sens et couches de matériaux très divers.
Toutes les oeuvres de Kiefer présentées ont été créées pour cette exposition et sont assemblées comme un puzzle géant pour recouvrir tous les murs de la grande salle jusqu’à une hauteur de dix mètres.
Ses oeuvres cachent totalement la décoration ancienne de la salle (sauf le somptueux plafond). On ne voit plus les fresques racontant des épisodes de l’histoire militaire des Vénitiens, comme la bataille de Lépante ou la victoire vénitienne sur les Turcs aux Dardanelles. On ne voit plus le Jugement dernier de Jacopo Palma Giovane, ni le majestueux arc de triomphe d’Andrea Tirali.

L’incendie de 1577
Kiefer explique qu'il a voulu montrer l'impermanence de l'art, ses tableaux qui ne couvriront qu'un temps les fresques anciennes, partiront et finiront peut-être un jour ... dans la lagune. Il a repris comme titre de son expo une phrase du philosophe italien Andrea Emo (1901-1983): These writings when burned, will finally cast a little light. Dans une salle sur le côté, il montre des manuscrits brûlés accrochés à une terre vide, qui allument une petite lueur.
Dans la grande salle il rappelle l'histoire de Venise: avec le cercueil ouvert de Saint Marc et dedans, ses reliques, avec les uniformes et bateaux des Vénitiens, avec une suite de chariots de grands magasins avec sur chacun d’eux, le nom d’un Doge, avec de grandes langues de plomb signifiant la grâce divine et une échelle menant au ciel. Il rappelle l’incendie qui, en 1577, ravagea la salle du Grand Conseil et détruisit des œuvres de Bellini, Carpaccio, Titien, Véronèse et Tintoret.
Kiefer est à l’aise dans ce décor somptueux. Toute son œuvre montre qu’il ne se détache jamais des questions de l’Histoire et de la mémoire. Comment reconstruire après la catastrophe, sur ces champs gras et désolés qu’il montre dans ses tableaux.
« Les ruines, comme les catastrophes ou les écroulements, sont des moments où quelque chose peut recommencer. Dans l'univers, à chaque instant, une étoile naît ou meurt », dit-il.
A Venise, Kiefer s’est plongé dans l’Histoire de la ville. A ne pas rater.
Anselm Kiefer, au Palazzo Ducale, à Venise jusqu’au 29 octobre