A Venise, il n’y a pas que la Biennale
En parallèle avec la Biennale, de multiples expositions valent le détour. En voici quatre à visiter.
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- Publié le 26-04-2022 à 12h09
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A chaque Biennale, Venise voit fleurir en marge de l'événement, davantage d'expositions, souvent formidables comme celle consacrée à Marlène Dumas au Palazzo Grassi ou l'intervention spectaculaire d'Anselm Kiefer couvrant tous les murs d'une salle du Palais des Doges, ou Bruce Nauman à la Punta della Dogana.
Nous avons déjà longuement parlé de ces trois expos. En voici quatre autres qui valent largement la visite.
D'abord, la grande double et impressionnante, exposition Anish Kapoor (jusqu'au 9 octobre) à la Galleria dell'Accademia et au Palazzo Manfri (nouveau lieu près de la gare). A la fois, une rétrospective de son oeuvre et ses dernières productions. Dès l'entrée, on revoit son « canon » tirant des centaines de pots de 9 kg de cire et vaseline rouge qui s'écrase et éclabousse tous les murs. Dans le contexte de la guerre en Ukraine, il n'évoque plus un dripping à la Pollock, mais bien le sang des victimes. Il ajoute des peintures immenses avec des rouges comme un magma de chairs sanguinolentes, comme le centre d'un volcan en fusion, les rouges d'un corps ouvert et éclaté, comme il en avait montré au Rijksmuseum face au boeuf écorché de Rembrandt. Il y a des filaments roses, des trous noirs, des reflets jaunes, se transformant en une sculpture comme une lave énorme.
On retrouve ces œuvres où Kapoor joue avec nos illusions visuelles. Ainsi de ses Pregnant, comme le mur qui deviendrait « enceint », dont un immense créé pour l'occasion, protubérance blanche, boursouflure de la surface dont on peine à cerner le contour exact. D'autres sculptures de pigments purs sont là, comme -et c'est en soi un événement- ses premières réalisées avec le noir absolu, le Vantablack, censé absorber 99,6 % de la lumière, et donc de transformer en trou noir abyssal n'importe quelle surface. L'achat par Kapoor des droits sur ce noir avait suscité la polémique. On constate qu'avec ce noir il est impossible de voir le relief d'une pièce si on est face à elle, tant toute la lumière est absorbée. On retrouve à l'extérieur ses grands miroirs.

Tabouret
Parmi les autres expositions collatérales à la Biennale, il ne faut pas rater au Palazzo Cavanis sur les Zattere (jusqu'au 27 novembre), celle de la peintre française Claire Tabouret, 40 ans, nouvelle coqueluche du marché, qui vit et travaille à Los Angeles. On la connaît pour ses grands tableaux de bandes d'enfants et adolescents (ici aussi, de femmes) qui nous regardent fixement, un peu tristes, prisonniers parfois des camisoles de notre société. Ces personnages ont la gravité, le sérieux, la lucidité et ils nous jugent. Des superbes peintures dans le sillage d'une Marlène Dumas ou d'un Luc Tuymans, avec à Venise, en plus, la découverte de ses sculptures dans le jardin montrant encore l'étrange mélancolie de ses personnages.
Rouvert l'an dernier, le Palazzo Grimani à Venise est devenu un de ses plus beaux fleurons, encore épargné des cohortes de touristes. L'ancienne demeure somptueuse d'un doge et de son fils, cardinal et grand collectionneur a pu être restauré et reconstitué avec ses sculptures anciennes, comme elle était en 1594. La Salla della tribuna en montre plus de cent. Et Georg Baselitz a été invité à créer des œuvres à la place des portraits des doges vendus au XIXe siècle. Il y montre, à dessein, des œuvres qui tranchent, colorées, quasi abstraites, comme du De Kooning, mais ce sont des têtes -ou des crânes - à l'envers, des vanités, dans ce lieu de vanités passées. Un moment de grâce avec les plafonds anciens et les restes de fresques. Et d'autres tableaux récents de Baselitz sont exposés dans les salles du Palais.

Enfin, dans le palais historique de la Fondation Querini Stampalia où se retrouve ce chef d'oeuvre inouï de Bellini qu'est La présentation de Jésus au Temple, le plasticien Danh Vo a été invité à faire dialoguer (jusqu'au 27 novembre) les salles historiques avec ses propres oeuvres, celles du designer et sculpteur Isamu Noguchi (1904-1988) qui a actuellement une rétrospective au Ludwig de Cologne et avec les tableaux du Coréen Park Seo-Bo (né en 1931). Il a placé partout des versions du célèbre luminaire en papier Akari créé par Noguchi, de toutes tailles, qui flottent dans l'espace comme des nuages ou se posent au sol comme des insectes lumineux (il y en eut cent modèles différents). On y retrouve aussi avec joie les œuvres minimales de Park Seo-Bo qu'on avait admirées en 2016 à la Villa Empain. Un peintre qui couvre sa toile avec un même geste répété à l'infini, comme la trace du temps qui passe.
