L'exposition visuelle et olfactive d'Irina Rasquinet à Saint-Gilles
Irina Rasquinet donne des airs de fête hybride assaisonnée de légèreté et de tensions décoratives.
- Publié le 23-05-2022 à 14h22
- Mis à jour le 23-05-2022 à 14h40
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Une exposition visuelle et olfactive. À la surprise d’installations, blanches et volatiles, fendant l’espace de modules échevelés et fragiles, répondent, aux cimaises, des branches d’arbres, nues et organiques, assorties d’ajouts passablement kitsch. Timbres, perles colorées ou translucides, verdure, confèrent aux branches mortes des allures de fêtes chargées de surprises indicibles.
Dans l'espace, des constructions, fragiles on l'a dit, blanches et pures, aux titres aussi surprises que surprenants : Papa poule, La valse suspendue, La virevoltante, Parfum volatile… Et la salle de sentir ces fragrances dont Irina Rasquinet parfume ses objets sans autre apparence que leur surgissement inattendu.
De l’art décoratif ? Sans aucun doute. Mais Matisse l’était aussi à ses heures. Alors ? Née dans le Caucase du Nord en 1974, Irina Rasquinet vit en France depuis 1997, après avoir fui la guerre en Tchétchénie.
Sous l'apparence, la profondeur des sentiments ? Ses Mères veilleuses, suite de Matriochkas de différentes grandeurs, d'un bleu roi qui traverse l'espace d'une lumière de contrebande, l'artiste ne joue pas avec les poupées russes pour signifier quelque appréciation de la guerre en Ukraine. Rien à voir, nous fait-elle savoir. Elle s'en retourne, en fait, aux poupées japonaises Kokeshi, qui symbolisent la fortune… "J'ai souhaité, dit-elle, revenir à sa pure origine allégorique et rendre hommage à la déesse Benten, protectrice des arts." Pourquoi pas !
Évocation
Si l’on en croit Marie Martens, signataire du texte d’introduction à l’expo, ces matriochkas sans visage, unicolores, ont pour office l’évocation d’identités aussi diverses que la famille, le déracinement voire, plus aléatoire de nos jours, le trait d’union entre l’Est et l’Ouest.
Irina Rasquinet se pose la question cruciale : "Comment déployer ses racines dans un pays étranger ?" Par le rêve, par le songe ? Elle semble avoir ainsi choisi en combinant ses suites de poupées vierges d'effigies.
On nous dit aussi qu'une autre partie de son travail "s'aiguise dans ces sculptures qui marient nature et culture par des branches d'arbres épousant des strass". Qu'est-ce à dire ?
Une clé pour comprendre serait sans doute celle de pénétrer la réalité traumatisante d’Irina Rasquinet qui dut fuir un pays en guerre avant, deux ans plus tard, de subir une folle tempête qui arracha nombre d’arbres, aux branchages laissés orphelins.
Si vous nous suivez, ces branches, qu'elle ramassa, puis qu'elle enjoliva de cristaux multicolores captant la lumière… "Irina Rasquinet crée des oxymores visuels entre ce bois à l'allure friable et ces strass semblant incassables. Elle aime ces joyeux éclats s'invitant au milieu de la matité originelle."
Si vous ne nous suivez plus, c’est que le concept n’est pas aisé à saisir et que, si l’œuvre offre certains charmes, il lui faut un discours pour comprendre le fin fond des choses. Ce qui la soumet à une réalité par trop décorative.
Troisième variation dans son œuvre : ses créations hybrides, blanches, qui fouettent l’espace comme les senteurs, les odeurs, qu’elle y propulse, fouettent l’ambiance qui les accueille dans une placide sérénité.
Cette exposition trouble notre vision sans, trop secrète, trop intériorisée, nous offrir, de visu, les clés à sa compréhension profonde. D’où, hélas, la futilité qui semble orchestrer cet ensemble hétéroclite !
Irina Rasquinet Nuit solaire Art contemporain Où Galerie Valérie Bach, 15, rue Veydt, 1060 Bruxelles. www.prvbgallery.com et 02.533.03.90 Quand Jusqu'au 30 juillet
