Quand la peinture explose hors du cadre

L'exposition "La couleur en fugue" est à voir jusqu'au 29 août à la Fondation Vuitton, à Paris.

Katharina Grosse, 2022
Katharina Grosse, 2022 © Adagp, Paris, 2022, © Fondation Louis Vuitton/Marc Domage

Pourquoi ne pas faire du mur du musée le support de l'artiste ? C'est peu ou prou le dialogue que propose la Fondation Vuitton avec cinq artistes internationaux dans le cadre de l'expo La couleur en fugue. Car la tentation est grande d'habiter pleinement la bâtisse de verre sortie de l'imaginaire de Frank Gehry pour abriter l'art contemporain du géant LVMH. Trois des artistes exposés jouent pleinement ce jeu.

Mixant peinture et performance, Megan Rooney (Toronto, 1985) engage le propos. Son œuvre With Sun précipite les sensations de l'artiste sur les murs de la galerie 8. L'explosion de couleurs est telle qu'elle déborde des murs, traversant la verrière pour aller voir ailleurs. Megan Rooney raconte son expérience : "Tandis que j'étais étendue au sol dans la galerie, en train de contempler le ciel, je me suis mise à rêver d'une histoire : la lune poursuit le soleil à travers le bâtiment". Pour l'artiste, toute peinture est un récit, et les couches de couleur dépassent bientôt leur état de matière pour devenir des rayons du soleil, la chaleur sous ses pieds, ou encore les vibrations du vent printanier. Pour bien faire, cependant, on aurait voulu voir Megan Rooney au travail dans une vidéo ou des photos, car, une fois l'artiste partie, ses sensations ont l'air d'avoir déserté la pièce.

Sam Gilliam (Tupelo, Mississippi, 1933) et ses Drape Paintings demeurent, quant à eux, dans la place, remplissant l'immense galerie 9 de la Fondation avec ses toiles suspendues. Dans son atelier, Gilliam explique qu'il pose la toile à même le sol, y jette la matière, la bouscule, - une manière de citer le dripping de Pollock -, il froisse, la noue. Mais la toile a le dernier mot quand il la découvre suspendue aux cimaises démesurées. Chiffonnée, marquée de coulures, la toile a résisté aux intentions de l'artiste. Et la loi du hasard s'impose au visiteur qui, sidéré par la monumentalité de la pièce, se résout à accepter de ne pas tout comprendre.

Katharina Grosse, enfin, (Freiburg, 1961) fait sienne la dernière salle de l'expo. Son Splinter, jeté aux murs et au sol, modifie la perception spatiale de la pièce, au point, pour le visiteur, d'en perdre le nord. Selon elle, "la peinture doit mettre à l'épreuve les caractéristiques du réel". Ça fonctionne. On interroge.

--> "La couleur en fugue", à la Fondation Vuitton jusqu’au 29 août. Infos : https://www.fondationlouisvuitton.fr/

Vous êtes hors-ligne
Connexion rétablie...