Sophie Lauwers, directrice générale de Bozar, est décédée
Nommée en octobre dernier à la tête de Bozar, Sophie Lauwers meurt du cancer à 56 ans.
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- Publié le 08-06-2022 à 21h35
- Mis à jour le 08-06-2022 à 21h44
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C'est une terrible nouvelle pour le Palais des Beaux-arts et pour la culture en général. Sophie Lauwers, directrice-générale de Bozar, est décédée chez elle ce dimanche 29 mai d'une récidive foudroyante de son cancer. Sa famille avait expressément formulé le souhait de vivre cette séparation dans le silence et a souhaité un embargo jusqu'a ce jour, soit après une cérémonie d'adieu qui a eu lieu dans la plus stricte intimité.
Elle avait été nommée en octobre dernier à la tête du Palais, succédant à Paul Dujardin. Un choix unanimement applaudi. Chacun louait sa manière de chercher le dialogue et le consensus nécessaire pour ramener la sérénité dans une maison qui avait formidablement évolué en vingt ans, mais avait été fort secouée ces dernières années.
Depuis sa nomination, elle faisait le tour des équipes et rencontrait les responsables d'autres institutions, dans un processus participatif qui devait la mener à dévoiler son plan pour Bozar cet été. Elle avait déjà montré toute sa capacité à diriger Bozar quand ce cancer l'a foudroyée.
Elle nous avait confié : "Je me plonge dans l'histoire si riche du Palais, et en même temps, il faut pouvoir lâcher un peu de cet héritage, car choisir peut donner une liberté nécessaire. Il est difficile avec un tel passé de se réinventer. Mon but n'est pas de jeter ce qu'on a, mais on peut obtenir une plus grande cohérence avec un œil frais." Elle misait sur l'imagination : "Si on ne peut pas réimaginer le monde autrement, alors on ne doit pas avoir d'artistes. Ceux-ci créent du lien, font acte de générosité et nous ouvrent les portes de l'imagination."
Sophie Lauwers était née à Hal en 1966, dans un univers bien loin de Bozar et de l'art avec un père pâtissier, même si son oncle et son grand-père peignaient.
L’art
Après ses humanités, elle entrait dans la publicité comme assistante directeur créatif et ensuite comme art buyer. Elle commençait à fréquenter déjà les artistes. Lili Dujourie lui demanda de l'aider à gérer ses archives, elle vécut quelques années avec l'artiste Jan Vercruysse. Elle collabora avec la commissaire d'exposition Barbara Vanderlinden qui la sollicitait pour Roomade et elle rencontra le critique et commissaire Hans Ulrich Obrist… Elle devint project manager à Bruxelles 2000 pour une grande exposition évoquant notre avenir digital.
Elle reçut alors un coup de téléphone de Piet Coessens, responsable des expos au Palais des Beaux-Arts, elle y rencontra Paul Dujardin qui venait d'être nommé à la tête de l'institution et elle y est restée pour une brillante carrière comme coordinatrice puis responsable des expositions.
Sophie Lauwers a toujours su combiner les expositions et les publics, du plus pointu au plus rassembleur.
En vingt ans, les artistes et le monde culturel avaient appris à connaître cette femme brillante, toujours élégante, mère de deux enfants (20 et 24 ans), discrète et efficace, évitant les déclarations fracassantes, capable de trouver des consensus, de travailler en équipe, de s'appuyer sur les responsables des autres départements de Bozar, tout en avançant dans la ligne qu'elle s'était choisie. Si son parcours se fit dans les expositions, on l'avait souvent vue aux autres activités de Bozar ou à des concerts.
Si elle devait continuer à se battre contre les suites d'un cancer du sein qui s'était déclaré il y a quinze ans, elle y voyait paradoxalement une chance. "Il y a eu un avant et un après. J'étais plutôt timide, peu sûre. Ce diagnostic m'a complètement changée, j'y vois même un cadeau de la vie, un réveil à la vie qui m'a fait comprendre : qu'est-ce qu'on a à perdre à dire ce qu'on veut dire ? Il n'y a qu'une vie. Cela m'a donné une liberté et une force énormes. Dans toutes ces expositions qu'on a montées et qu'on disait parfois impossibles, tant les obstacles étaient nombreux, je me disais : 'quelle importance ont ces obstacles ?' et je réussissais. On est souvent trop occupé à plein de choses sans réelle importance. Ce cancer m'a aidée à relativiser les choses." Hélas, ces mots résonnent aujourd'hui cruellement après qu'une récidive soudaine l'a emportée en quelques jours.