Vinciane Despret à la Biennale d’architecture
Les champignons auront la vedette l’an prochain dans le pavillon belge à la Biennale de Venise.
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- Publié le 01-09-2022 à 16h31
- Mis à jour le 01-09-2022 à 16h32
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Si la Biennale d'art de Venise se poursuit encore jusqu'au 27 novembre avec Francis Alÿs dans le pavillon belge, on prépare déjà celle d'architecture de 2023 (du 20 mai au 26 novembre).
Elle aura pour thème Le laboratoire du futur et sera sous la direction artistique de Lesley Lokko, une architecte ghanéenne et écossaise qui vit entre Johannesburg, Londres, Accra et Edimbourg. Elle est aussi romancière.
En 2023, ce sera le tour de la Fédération Wallonie-Bruxelles d'occuper le pavillon belge et, ce jeudi, a été dévoilé le projet qui nous représentera, choisi par un jury parmi 19 propositions. Il cadre parfaitement avec le thème de la Biennale et les interrogations actuelles sur notre avenir.
In Vivo, le nom du projet, veut "interroger notre système de production extractiviste, en identifiant et en développant des alternatives de construction à partir de mat ériaux issus du vivant."
Il est proposé par un trio de jeunes architectes (tous nés en 1993) réunis dans le bureau Bento (Florian Mahieu, Corentin Dalon, Charles Palliez) et associé à la philosophe et éthologue bien connue, Vinciane Despret, celle que Le Monde présentait comme : "une des penseurs du nouveau monde, ré f érence revendiquée par la nouvelle gé n ération écosophique". À l'instar d'une philosophe comme Donna Haraway ou de l'anthropologue Anna Tsing, elle invite à penser autrement nos liens avec la nature et les autres espèces animales et végétales. " L'id é e d' une exception humaine a fait des dé gâ ts considérables", nous disait-elle. Tous ses livres, tels Que nous diraient les animaux si on leur posait les bonnes questions ou Habiter en oiseau, et ses conférences, sont des moments de beauté et de poésie, des exercices aussi de décentrement de l'homme pour retrouver le lien avec les non-humains et la nature, réapprendre à co-exister, à co-évoluer. Sa tâche ici est d'interroger les pratiques architecturales, y compris les mots utilisés.
Le mycélium
Le credo de ce projet pour Venise : "Comment repenser l ' architecture dans un monde aux ressources finies ? Nous nous proposons d ' exp érimenter des alternatives enviables pour nos territoires, nos villes, des alternatives qui se forgeraient avec et à partir des vivants qui les habitent et en composent le tissu. Ces expérimentations ne feraient somme toute que prolonger les agencements multiples entre humains et non-humains, vivants et non-vivants." Dans le pavillon, l'espace central sera une installation basée essentiellement sur l'utilisation du mycélium (la racine des champignons) qui mélangé à des déchets de bois forme un matériau du futur. On a montré jeudi un tabouret et des plaques à base de champignon. On imagine même de placer un jour ce matériau vivant en hibernation pour pouvoir ensuite si nécessaire, le "réveiller" pour le réparer par exemple.
Dans les salles périphériques du pavillon seront évoquées les filières bois, chanvre, paille, essences de la forêt de Soignes, terres bruxelloises, avec des projets d'architecture belges qui s'inscrivent dans une démarche similaire.
Pour Venise, Bento et Vinciane Despret se sont associés au designer Corentin Mahieu, à l'anthropologue Juliette Salme, au microbiologiste Corentin Mullender et auront comme sous-traitant Permafungi dirigé par Julien Jacquet, le producteur de mycélium basé à Bruxelles, à Tour&Taxis dont La Libre a déjà parlé. Cette société promeut des matériaux à partir de champignons poussant sur du marc de café ou des déchets de bois. Pour Venise, elle fournira 200 m2 de myco-matériaux, 700 panneaux et elle annonce cinq tonnes de myco-matériaux dès 2024.