Au Wiels, une exorciste des temps modernes
Danai Anesiadou place ses objets personnels dans la résine pour en faire des “transformateurs d’énergie”.
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Publié le 28-01-2023 à 12h00 - Mis à jour le 29-01-2023 à 11h32
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Bienvenue dans le monde allégorique de Danai Anesiadou, artiste greco-belge née en Allemagne en 1977, formée dans les académies de Gand et d’Amsterdam. On peut la découvrir sur un étage du Wiels. Elle a posé un grand tapis rouge et diffuse une musique d’ambiance.
Pour son exposition qu’elle a appelée “D Possessions”, elle a placé tous des objets qui lui appartenaient – livres, cassettes, objets métalliques, chaussures, etc.- dans de la résine colorée. Pour repartir autrement ensuite dans sa vie, faire un “reset”.
Dans des assemblages exubérants montés avec ses objets pris dans la résine colorée et ses collages divers, elle construit des figures esthétiques : des sculptures humaines, mais aussi des morceaux de colonnes grecques, de toitures, des lèvres géantes, de coquillages, ou crée un rideau de ses objets à elle, emprisonnés dans des plastiques sous vide.
Dans la salle, telle une œuvre, elle a placé une de ces machines servant à faire le vide dans des sacs d’emballage, surmontée d’une pyramide sur sa pointe diffusant des images captées sur Internet.
Elle “énergise” de même des affiches de cinéma en y apposant ses objets. Ses objets pris dans la résine sont devenus comme des sculptures portables, des sortes d’autoportrait. Marcel Duchamp avait fait de même avec ses Boîte-en-valise.
Les orgonites
Danai Anesiadou est comme une chamane, une “exorciste des temps modernes”. Elle entend ainsi faire de ces objets emprisonnés dans la résine, des “orgonites”, c’est-à-dire des transformateurs d’énergie basés sur les théories du psychanalyste Wilhelm Reich (1897-1957) qui parlait de l’orgone comme de l’énergie de la vie.
Ses objets, petits corps scellés dans des blocs de résine, sont les souvenirs de l’évolution d’une vie à l’autre, signes d’un désir de se débarrasser de ses possessions.

Pour le public, elle a prévu des fauteuils où s’asseoir, et même une table de massage pour écouter une conférence sur la thérapie par l’urine (!). Un lit intitulé “inflation”, renvoyant à nos désordres monétaires, se gonfle et se dégonfle régulièrement tandis que de la poudre d’or s’apprête à y tomber, allusion au mythe de Danaé (le prénom de l’artiste) que Jupiter avait trompé avec une pluie d’or pour mieux la séduire.
On retrouve aussi, réels ou peints sur les murs du Wiels, des moules en plastique de détails architecturaux tels que des piliers grecs. Depuis quinze ans, l’artiste multiplie des performances dont elle garde les traces, les moules. Elle s’intéresse aussi au cinéma, autant qu’aux sciences occultes comme à l’Antiquité grecque pour “exorciser” nos temps catastrophiques.
Au milieu de la salle, pour résister à toute idée simpliste, elle a placé deux guillotines en état de marche, offertes par l’artiste Ryan Cullen.
L’artiste parle de cosmogonie hindoue et explique que nous serions dans l’âge du Kali Yuga, une ère de la discorde et de l’obscurité dans laquelle la conscience est à son plus bas et la matérialité à son plus haut niveau.
Son art, ésotérique mais aussi très visuel, apparaît comme une forme de résistance à la pensée binaire, scientifique classique, aux discours formatés. Une résistance dans laquelle l’art c’est elle, Danai Anesiadou, avec ses objets.
L’exposition au Wiels est coproduite par le musée d’art contemporain d’Athènes dirigé par Katerina Gregos et a été montée sous le commissariat d’Helena Kritis.
-- > Danai Anesiadou : D Possessions, au Wiels, jusqu’au 23 avril.