L’Orient envoûtant
Menart Fair, une première à Bruxelles
Publié le 03-02-2023 à 14h28 - Mis à jour le 03-02-2023 à 14h29
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Première édition à Bruxelles d’une foire aussi émergente que les scènes artistiques qu’elle défend.
Menart, c’est d’abord l’acronyme – très légèrement aménagé – de Middle East&North Africa Art. Orchestrée par Laure d’Hauteville (fondatrice et directrice) et Joanna Chevalier (directrice artistique), cette toute jeune foire met en lumière la fécondité, la singularité et l’originalité des scènes artistiques des pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Après le succès des deux éditions parisiennes, Menart Fair prend ses quartiers à Bruxelles. Sans surprise, c’est la Fondation Boghossian – centre d’art qui défend et encourage toutes les formes de dialogues entre les cultures d’Orient et d’Occident – qui accueille l’événement. Le temps d’un week-end, la Villa Empain concentre une sélection pointue de 24 galeries venant de 14 pays. Soit quelque 150 artistes – dont 42 % sont des femmes ! – pour la plupart reconnus dans leurs pays respectifs.
Fondatrice et codirectrice, Laure d’Hauteville est heureuse de proposer une foire unique en son genre : “La foire Beirut Art Fair, que j’ai créée et dirigée à Beyrouth (Liban) durant plus d’une dizaine d’années, a été pionnière internationalement dans son domaine et a participé au rayonnement de ces scènes artistiques. Avec Menart Fair, nous installons en Europe une plateforme d’échanges sans équivalent pour que cette formidable histoire se développe et ne connaisse plus de frontières. Car, au-delà d’être une foire marchande, Menart Fair raconte une histoire, celle de l’art des pays du MENA.”

Scènes effervescentes aux enjeux singuliers
Carrefour d’influences, l’Afrique du Nord est incarnée par des artistes qui partagent la même volonté d’émancipation à l’égard des anciennes puissances coloniales. Refusant de se cantonner à leur identité locale, les artistes nord-africains ont notamment pour point commun le regard constant – et extrêmement large – qu’ils portent sur leurs cultures d’origine, l’exil, la Méditerranée… Leurs productions infusent diverses influences culturelles (euro-méditerranéennes, africaines et arabes).
Face à leur réalité mouvementée, les artistes du Proche-Orient intègrent à leur démarche leur quotidien chaotique et instable, comme pour mieux l’exorciser. Longtemps considérée comme marginale, cette scène orientale – d’une fertilité extraordinaire – connaît un fort développement, entre autres encouragé par les soulèvements arabes. Des œuvres d’art comme autant de petites voix qui chantent leurs espoirs.
Entrée en matière aussi dépaysante que glaçante : l’atrium de la Villa Empain nous présente d’emblée une table dévastée par une catastrophe. Une installation signée par The Great Design Disaster (studio de design créé par Gregory Gatseleria et Joy Herro). Instant pétrifié qui évoque les explosions au port de Beyrouth le 4 août 2020. La suite reprend des couleurs avec une succession d’enseignes aux propositions plus insouciantes. Nadja Romain, Everything I Want, s’est engagée dans la défense et la préservation des savoirs faire liés au verre. Elle présente trois démarches : les ballots en verre du Pakistanais Osman Yousefzada, les créations qui racontent un futur utopique de Flavie Audi ainsi que les premières éditions en verre soufflé à Murano signées Tarek Shamma. Fondée à Tunis par Lamia Bousnina Ben Ayed, la galerie Musk and Amber révèle le travail de l’Iranien Mohammad Hossein Ghaderi (dit Mohegh), designer qui se confronte à différentes disciplines, notamment l’ébénisterie et le tissage. Pari sans faute (et sans risque) pour le LAB de Rasheed Kamel qui présente Omar Chakil, designer phare de la scène égyptienne. L’artiste nous offre un petit voyage dans le temps : retour à l’ère pharaonique qui prônait les vertus bénéfiques de l’albâtre. La roche prend ici des allures toutes contemporaines. Installé entre Beyrouth et Dubaï, l’Atelier Nadeen x jihad khairallah architects réunit deux artistes, Nadine Roufaël (sculptures en céramique) et Jihad Khairallah (œuvres minimalistes composées de multiples matériaux). Enfin, inlassable coup de cœur pour les œuvres de Bilal Bahir : des dessins aux allures d’esquisses qui emploient la poésie et l’onirisme pour interroger des sujets critiques, et extrêmement sensibles. Entre autres, les difficultés culturelles, politiques ou économiques de la société irakienne. Un travail extrêmement touchant à découvrir parmi plus de 250 pièces mêlant art et design. L’Orient a définitivement quelque chose d’envoûtant.
Menart Fair. Middle East&North Africa Art. 3e édition. Fondation Boghossian – Villa Empain, avenue Franklin Roosevelt 67, 1050 – Ixelles www.menart-fair.com Jusqu’au 5 février, de 11h à 19h.
