Le paysage avant l’origine du monde
Fort belle exposition à Keramis du sculpteur et céramiste Daniel Pontoreau, minimaliste et matiériste.
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Publié le 29-03-2023 à 08h44
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La céramique peut devenir sculpture et entretenir des liens avec l’architecture, le paysage, et même le cosmos. La preuve avec la belle exposition rétrospective au centre Keramis à La Louvière (jusqu’au 20 août) du Français Daniel Pontoreau, né en 1947 à Paris.
A l’instar d’un Lee Ufan ou de l’Arte Povera (Giuseppe Penone), il choisit une sculpture minimaliste proche de la nature elle-même et de la terre qu’il utilise très directement. Paradoxalement, ce minimalisme crée pourtant une émotion plus grande qui plonge dans la matière, la terre et le feu. Une oeuvre qu’on parcourt spontanément en silence.
Une grande arche de grès noire surplombe un champ fait de poignées de céramique blanche. Un sol de grès gratté se dresse en stèle. Des terres cuites s’accouplent à du feldspath ou à la porcelaine. Un bloc de porcelaine blanche semble juste découvert, niché avec douceur au sein d’une sculpture en terre réfractaire. Des blocs de terre native, arrachés directement de la carrière sont cuits et associés à des volumes griffés, creusés. Des grandes pierres au sol en céramique portent des éclats, ou des griffes.

Une photo d’un ciel étoilé surplombe un autre ciel, en céramique cette fois, blanc, où les astres sont des débris d’un ancien four japonais. Daniel Pontoreau a souvent été exposé non seulement en France où ses oeuvres se retrouvent dans de nombreux musées, mais aussi au Japon et en Corée où son art est très reconnu.
Deux nefs
Comme le dit le titre de l’exposition Avant le paysage, on est dans un monde en train de surgir, de créer des formes neuves. Des pierres en grès et porcelaine sont « scarifiées » et forment des tableaux. Et le spectateur déambule dans ce monde d’avant l’homme, dans un paysage ramené au calme si profond, comme sur une scène de théâtre abandonnée par les acteurs.
Les oeuvres dialoguent l’une avec l’autre et répondent à l’architecture du lieu, à ses courbes, ses obliques, à la couleur de son béton, aux nuances du rouge des briques.
Dans les deux nefs du bâtiment, Daniel Pontoreau a placé deux oeuvres monumentales qui entrent joliment en résonance avec les beaux fours-bouteilles conservés du passé des faicenries Boch. Dans la grande nef, ce sont deux empilements de briques émaillées, comme des tours précaires.
Daniel Pontoreau a réalisé dans sa carrière plusieurs oeuvres dans l’espace public comme il placé ses sculptures dans des scénographies de spectacles de danse.

Ludovic Recchia, le directeur de Keramis, parle du travail de Pontoreau dans la monographie publiée à cette occasion: « Le vocabulaire formel de Pontoreau, d’apparence primitiviste est composé de pierres levées, de dalles, de briques empilées et de puissantes roches brutes. Ses oeuvres nous surplombent et nous intiment la nécessité d’être là. Elles nous poussent à arpenter et sonder l’instant. Elles contiennent un silence condensé à l’extrême. Ce silence est celui du cosmos infini où le temps et l’espace n’ont plus de forme. »
En fin de parcours, un ensemble de céramiques/sculptures d’autres artistes choisis par Daniel Pontoreau dans les collections de Keramis, viennent voisiner avec les siennes.
« Keramis centre de la céramique », avec cette exposition montre à nouveau que plus qu’un musée de la céramique, il veut être un lieu d’art.
Daniel Pontoreau, Avant le paysage, Keramis, La Louvière, jusqu'au 20 août. Belle monographie publiée à cette occasion chez Prisme Editions