Rencontre avec Nele Verhaeren, nouvelle cheffe d'orchestre d'Art Brussels : "La préservation de l’environnement est un enjeu majeur"
Rencontre avec la nouvelle directrice d'une institution l'art contemporain en Belgique. Passion, ouverture d'esprit et expérience sont ses mots d'ordre.
Publié le 13-04-2023 à 15h17 - Mis à jour le 13-04-2023 à 15h19
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“Le bonheur est parfois caché dans l’inconnu.” Cette citation de Victor Hugo accompagne quotidiennement Nele Verhaeren, nouvelle directrice générale d’Art Brussels. À quelques jours de la 39e édition, alors que l’effervescence bat son plein, la jeune femme a accepté, en guise de présentation, de répondre à nos questions.
Pourriez-vous nous présenter votre parcours ?
Après une série d’expériences professionnelles de natures variées (enseignement, inventaire de collections d’art contemporain, organisation de la triennale Beaufort…), j’ai commencé à travailler pour Art Brussels en juin 2006. À cette époque, j’étais la seule personne de l’équipe à travailler à temps plein pour l’organisation. Ma première mission a été de rencontrer les galeristes et tenter de les convaincre de participer à Art Brussels. Un travail absolument fantastique qui m’a permis de visiter les plus grandes foires à l’étranger, d’entrer en relation avec de grands acteurs du monde de l’art et de construire un réseau. Aussi, pendant toutes ces années, j’ai travaillé en étroite collaboration avec les différentes directrices pour aider à définir le positionnement, à déterminer les budgets, à peser les choix et à organiser la foire elle-même.
D’où vous vient votre passion pour l’art contemporain ?
En partie de mon enfance. J’ai grandi dans une famille qui avait de grandes affinités pour les arts de la scène, en particulier le théâtre. Ma mère était programmatrice et, plus tard, productrice de pièces de théâtre. Nous vivions au rythme des représentations. Même nos vacances étaient organisées en fonction des musées et expositions que nous allions visiter (Biennale de Venise, St-Paul de Vence…). J’ai toujours aimé l’art et la création. J’ai d’ailleurs fréquenté, pendant toute mon enfance et adolescence, une académie de dessin.
Vous travaillez au plus près des œuvres. Êtes-vous collectionneuse ?
J’aime vivre avec les œuvres d’art, mais j’ai du mal à me définir en tant que collectionneuse. En ayant environ une quinzaine de pièces, je me qualifierais plutôt comme une amatrice d’art. J’ai acheté ma première œuvre quand j’étais encore étudiante. Il s’agissait d’une petite sculpture à accrocher au mur de Guy Bleus. Les pièces avec lesquelles je vis ne présentent pas un lien ou une cohérence évidente. Mais toutes m’attirent parce qu’elles dégagent, même subtilement, un certain plaisir de l’artiste dans sa pratique. Un plaisir fait souvent d’humour ou de poésie. Dans un second temps, j’observe parfois des cohérences formelles entre deux œuvres. Comme ce rapprochement amusant entre une sculpture de Thomas Lerooy (un marteau dont le manche représente une asperge) et une réalisation signée Eric Croes (un marteau dont la tête représente un poing).
Comment s’est déroulée votre nomination au poste de directrice générale ?
Il avait été prévu que je reprenne le rôle de directrice en 2021, mais cette décision a été reportée en raison de la crise sanitaire. En effet, Art Brussels traversant une période compliquée et incertaine, il était préférable de ne pas réaliser de grands changements. Avec le recul, j’observe cette période, riche d’enseignements, comme très profitable. Notamment parce qu’avec Anne Vierstraete (ancienne directrice), nous avons eu beaucoup d’idées dont certaines ont été concrétisées. Je pense notamment au lancement d’Art Antwerp, petite sœur d’Art Brussels, qui fêtera en décembre son 3e anniversaire.
Quelles sont les qualités qui ont joué en votre faveur pour obtenir ce poste ?
Au-delà de ma passion dévorante pour l’art contemporain, je dirais que différents éléments ont joué un rôle dans ma nomination. D’abord l’expérience. Mes années à travailler dans les coulisses de l’événement m’ont apporté une certaine confiance dans mes choix. Ensuite, l’état d’esprit. J’ai toujours attaché une grande importance à l’ouverture d’esprit et au respect pour le métier de galeriste, profession très exigeante pour laquelle mon admiration est grandissante. Autre qualité, savoir enthousiasmer et motiver son équipe. Rétroactivement, il faut pouvoir reconnaître que le succès final est le résultat d’une accumulation de compétences de tous les membres de l’équipe.
"Le succès final est le résultat d’une accumulation de compétences de tous les membres de l’équipe."
À ce nouveau poste, quelles sont les difficultés que vous appréhendez le plus ?
À mes yeux, le plus difficile est de contenter, quand un choix doit se poser, toutes les parties prenantes (les visiteurs, les exposants, les collectionneurs, les partenaires et l’entreprise pour laquelle on travaille). Il faut parfois savoir trancher, prendre des décisions qui ne conviennent pas à tous. Dans tous les cas, l’une des qualités essentielles est de garder son calme. Ne pas réagir dans l’émotion, tout en restant fidèle à soi-même.
En tant que directrice, quelles orientations souhaitez-vous donner à la foire ?
Je tiens à conserver l’adn d’Art Brussels : jouer la carte de la découverte et de la surprise. C’est ce qu’attendent nos visiteurs, curieux et ouverts de nature. Aussi, il me semble très important de continuer à renforcer le caractère international de notre foire. Cette année, parmi les 152 galeries sélectionnées, 32 pays différents sont représentés. Aussi, en prise directe avec les préoccupations actuelles, la foire accentue ses efforts en matière d’ESG (Environnement, Social et Gouvernance). La préservation de l’environnement est un enjeu majeur. Nous réutilisons au maximum le matériel d’une année à l’autre. Nous avons largement diminué tous les supports papier. Nous utilisons pour la première fois un tapis plain recyclable à 100 % et nous avons créé un partenariat, à long terme, avec Go Forest (Art Brussels s’engage à planter autant d’arbres que d’exposants). En matières sociales, nous soutenons l’association KickCancer et nous offrons des conditions préférentielles aux bénéficiaires de l’article 27. Enfin, le comité de sélection est sensible à la parité homme/femme, à l’inclusion et à la diversité.
"La préservation de l’environnement est un enjeu majeur. Nous réutilisons au maximum le matériel d’une année à l’autre."
Quel est le point faible de la foire auquel vous vous êtes déjà attelée ?
La mobilité. Les dernières années, la foire manquait d’accessibilité. Nous sommes convaincus que le déménagement à Brussels Expo simplifiera son accès. La situation offre de nombreux avantages. Aussi, nous sommes très fiers d’organiser l’édition 2023 dans les halls les plus emblématiques du site.

La prochaine édition sera-t-elle marquée par des nouveautés ?
Toujours dans l’idée d’améliorer la déambulation des visiteurs, nous avons organisé deux entrées opposées. L’une via le hall 6 avec les jeunes galeries réunies dans la section Discovery. L’autre via le Palais 5 avec une large sélection de galeries plus établies réparties en deux sections, Rediscovery et Prime. Cette année, notre “slogan”, From Discovery to Rediscovery, pourra se vivre littéralement.
Quelles sont les œuvres emblématiques exposées en 2023 que vous êtes impatiente de découvrir ?
En étudiant les projets sur le papier, il y a énormément de propositions qui attisent ma curiosité. Je suis notamment curieuse de découvrir le mur composé de plus de 200 petites œuvres originales de la KickCancer Collection, la performance participative de Navid Nuur, la vidéo de Léonard Pongo, l’installation de Korakrit Arunanondchai, les sculptures de Tapta… et encore tant d’autres !
Un dernier conseil pour visiter la foire dans les meilleures conditions ?
D’abord visiter le site web www.artbrussels.com. Cela permet de se familiariser, sans précipitation, avec les galeries et les artistes présentés. Une fois sur place, cibler sur un plan les galeries que vous désirez découvrir. L’offre étant très large et variée, il est toujours intéressant d’orienter sa visite. L’autre façon de profiter d’Art Brussels est de venir sans préparation, avec pour seuls objectifs l’étonnement et la spontanéité. Dans tous les cas, je conseille aux visiteurs de photographier leurs coups de cœur, mais aussi de poser des questions aux galeristes et d’oser demander les prix. Enfin, des visites guidées sont organisées gratuitement grâce à nos partenaires.
Art Brussels, 39e édition Quand Du 20 au 23 avril Où Brussels Expo Infos www.artbrussels.com
