50 ans d’images vivantes
Un livre et une expo dans un site inédit, festif, animé. 115 photographies et deux cours d’accueil pour un voyage de l’Europe à l’Afrique, de l’Asie à l’Amérique du Nord. Événement !
Publié le 02-05-2023 à 14h20 - Mis à jour le 02-05-2023 à 14h21
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Le lieu est quasi inédit, et pour cause. Édifié par les Hollandais avant 1830, il hébergea, pendant près de 180 ans, les vieux sans le sou et des indigents heureux d’y trouver un lieu de repos, qui ne fut toujours un vrai havre de paix.
C’est François Delvoye, aujourd’hui responsable des expositions à la Maison de la Culture de Tournai mais toujours lié à la Galerie A du Châtelain, qui eut l’idée de ce lieu hors normes pour accueillir la plantureuse démonstration des voyages humanistes entrepris depuis plus de cinquante ans par Jean-Dominique Burton, globe-trotter et découvreur d’insolite aux quatre coins de la planète.
Paru il y a deux mois chez Prisme Editions, son livre Visions recense l’essentiel de son ouvrage photographique (410 pages grand format, plus de 500 photos couchées sur beau papier, en noir et blanc et en couleur selon les cas). C’est donc à une sélection de clichés de cet ouvrage éblouissant que nous convie l’événement présenté au Grand Hospice. Et, permettez-nous l’éloge, car l’entreprise n’était pas gagnée d’avance : en l’occurrence, 115 photos de 2 mètres sur 1m52, tirées sur papier vinyle avec des encres qui ne bougent pas à la lumière et aux intempéries. Collées sur les vitres qui cernent les deux cours disposées entre les deux bâtis de l’hospice, elles illuminent le paysage arboré de leur présence captivante.
Pourvues d’arbres, feuillages et fleurs, ces cours, que le printemps gratifie de cerisiers du Japon fiers de leurs roses parures, sont envahies, les week-ends, par des animations qui fleurent bon un certain laisser-aller et des musiques pour l’ambiance. Nul doute que, désormais, parées d’images évoquant, pour certaines, des histoires d’autres contrées, d’autres cultures, elles seront d’autant plus vivantes qu’un esprit de bon augure y rassemble les identités diverses.
Rois et manants
Jean-Dominique Burton, 70 ans au compteur de ses allées et venues dans un monde qui l’accapare par ses originalités, ses diversités, ses aléas et ses magies, a toujours veillé à réaliser des clichés mûrement réfléchis, passés à la moulinette des savoirs techniques. Rois et manants : il met en scène ses sujets, mais ceux-ci se retrouvent dans les meilleures dispositions qui soient pour que la sensation d’authenticité soit au rendez-vous.
Ses prêtres du Vodou du Bénin flanqués de leurs autels sacrificiels – et nous fûmes les témoins privilégiés de leur satisfaction sans affect lors du vernissage de leur exposition à la Fondation Zinsou à Cotonou -, ses chasseurs Nagô du même Bénin accompagnés de leurs plantes rituelles, ses portraits de sans-papiers, ses portraits d’artistes, ses vues de Hong-Kong à la faveur d’un voyage en duo avec la très regrettée France Borel, ses séquences new-yorkaises, ses pénétrations du monde flou de la boxe à Kinshasa, ses jeux de lumière derrière une vitre, ses plages animées de l’Île de Gorée, ses gros plans évocateurs de plaques d’égout, son œuvre au noir en Colombie-Britannique, ses photos de racines, ses masques et ses mascarades, ses plages immenses et ses foules grouillantes. Jean-Dominique Burton est, quelque part, ce magicien qui rend leur chair vivante aux objets les plus inanimés et leur sagesse proverbiale aux visages les mieux burinés.

Voir ces réalisations entre les pages d’un livre, majestueux et généreux, c’est une façon de voir les choses. Les voir, en verve monumentale, entre les arcades d’un mur à perte de vue, et de quelle manière. Des vitres parlent et nous racontent un parcours sans temps mort.
Œil à l’affût de l’indice inédit, pensée de connivence avec l’incongru, le trop évident, sensibilité à fleur d’âme et enthousiasme de chaque instant qui tranche sur la médiocrité commune, Burton et son appareillage photographique ne loupent point l’évidence quand elle lui permet de voir un monde différent dans sa pérennité, un monde qui bouge et nous rappelle d’antiques valeurs trop bafouées, oubliées, détériorées par la bêtise ambiante.
*** Visions – Âmes sauvages Photographie contemporaine Où Grand Hospice, 7, rue du Grand Hospice, 1000 Bruxelles. www.a-galerie.be et 0476.87.91.39 (François Delvoye) Quand Jusqu’au 4 juin, chaque jour, du lundi au dimanche, de 8h30 à 23h. Entrée gratuite.