Anne Teresa De Keersmaeker au Kunstenfestivaldesarts: face à la tempête, la jubilation de danser
Très beau nouveau spectacle d’Anne Teresa De Keersmaeker avec une sublime musique de blues. Après le KFDA au Théâtre national, le spectacle sera notamment montré à Bruges, à Vienne et au Festival d'Avignon
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- Publié le 01-06-2023 à 10h42
- Mis à jour le 01-06-2023 à 00h57
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La nouvelle création d’Anne Teresa De Keersmaeker et de Rosas, EXIT ABOVE (after the tempest/d’après la tempête/naar de storm), dévoilée ce mercredi au Théâtre National pour le Kunsten et qui ira ensuite au Festival d’Avignon, est une fort belle réussite longuement ovationnée par le public.
Il est époustouflant de voir comment ATDK se renouvelle à chaque création (déjà une soixantaine à son actif !).
Au début, il y a la Tempête de Shakespeare mais aussi celle dans laquelle nous sommes tous plongés par les désordres climatiques et sociétaux qui nous menacent. Michel François a imaginé, pour la montrer, une immense voile soufflée par le vent, surmontant comme une tornade d’eau les dix excellents jeunes danseurs et danseuses de Rosas accompagnées sur scène par la jeune chanteuse de blues d’origine éthiopienne Meskerem Mees (belle révélation du spectacle) et le guitariste-danseur Carlos Garbin.

Au début, tous marchent de concert, nous toisent comme pour nous juger, vont jusqu’à nous tirer la langue. Ils se figent quand la musique s’arrête comme dans le jeu 1,2,3 soleil. Chacun porte un maillot coloré comme ceux des sportifs, sur lequel sont écrits les titres des morceaux chantés par Meskerem Mees: “Aujourd’hui, je suis née à nouveau ; J’ai pleuré pour rêver à nouveau ; Aujourd’hui, nos réjouissances sont terminées ; Seigneur, la rivière déborde”...
Pina Bausch
Déjà, d’emblée la danse est là. Un danseur est comme soufflé dans les airs par la tempête. Sur la douce musique mélancolique et belle du blues ou sur les beats électroniques concoctés par Jean-Marie Aerts (producteur et musicien ayant travaillé entre autres avec TC Matic, Arno, Bashung ou BJ Scott), les danseurs expriment sans cesse, par leurs corps, des émotions, des rages, des consolations. Ils semblent un moment subir individuellement la catastrophe qui arrive, tourner le dos à l’avenir. La scène peut devenir une nuit noire où seul un danseur fait tourner dans les airs un micro donnant une musique d’orage. Parfois, la tempête est si forte qu’ils s’effondrent tous au bord de la scène, vomissant. Mais ensuite les oiseaux chantent.
Et puis, sans cesse, les danseurs se regroupent par deux, par dix, par douze, montrent la force du collectif. Ils s’étreignent même endormis ; ils forment des chaînes mais ce sont des liens qui libèrent.
Et la danse avec la musique est alors le signe de l’espoir en nous, d’une utopie possible. Une joie surgit de ces danses magnifiques, tournoyantes, fortes comme des rébellions contre la tempête, apportant une issue consolatrice et radieuse.

Un entrelacs de lignes colorées, formant des spirales, ellipses, cercles, strient le sol et entraînent les danseurs dans le mouvement perpétuel de la vie.
EXIT ABOVE est un spectacle joyeux, beau, revigorant. Avec un finale éblouissant.
Pina Bausch le disait: “Dansez sinon nous sommes perdus”. Anne Teresa De Keersmaeker répond parfaitement à cette injonction. Comme à celle de la philosophe Isabelle Stengers dans le très beau film de Fabrizio Terranova intitulé Fabriquer de l’espoir au bord du gouffre.
EXIT ABOVE nous apporte à tous cette réponse, cette jubilation que portent tous les danseurs.
- EXIT ABOVE, encore au Théâtre National à Bruxelles, (tout est sold out) dans le cadre du Kunstenfestivaldesarts, et au Festival d’Avignon, à la Fabrica, du 6 au 13 juillet.