Dialogue et surprises chez Francesco Rossi
Francesco Rossi a convié deux de ses artistes -Thomas Mazzarella et Liesbeth Van Heuverswijn – à se mesurer dans un dialogue fertile. Mission réussie.
- Publié le 18-09-2023 à 12h18
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C’est à travers une suite de petits espaces qui courent entre eux à l’image d’un parcours farci de délices, que le galeriste Francesco Rossi propose un dialogue entre les dessins au crayon et à la gomme de Liesbeth Van Heuverswijn et les huiles sur toile (une nouveauté) de Thomas Mazzarella.
Les deux artistes sont des habitués de la galerie et les retrouver en un face-à-face, plutôt inattendu, confine à cette surprise du chef dont Rossi est assez friand. Les deux univers sont suffisamment divers que pour surprendre par leurs interactions insolites quand elle s’adonne plus volontiers à des expressions, des dessins, frôlant une certaine abstraction alors que lui défend de longue date une sorte de figuration. Ils se rejoignent toutefois dans un souci commun qui les pousse à privilégier la nature des choses et des architectures plus elliptiques que cloisonnées dans quelque réalisme que ce soit.
Le dialogue suscité se pare d’intériorités teintées d’extériorités et tous les deux confrontent leurs objets à l’espace, l’imprévisible étant une règle qui les gouverne de pair. Chez Mazzarella, du rose et du vert dominent et du bleu vient s’y mêler en contrebande. Il y a, chez lui, une légèreté tonique et des profondeurs que renforce parfois l’apparition de nuages. Dans cet univers parfaitement imaginaire, une réduction des formes et des sujets est patente et cette poésie de l’espace se passe désormais de ces personnages que l’artiste disposait, maladroits et peu crédibles, dans ses travaux précédents. Une vingtaine d’huiles nouvelles, grandes et petites, arrondissent l’espace de silences qui, pour passagers, tiennent le bon bout.
Jeux de lignes
L’art de Liesbeth Van Heuverswijn est très différent, même s’il propose un dialogue empli d’empathie avec les réjouissances chromatiques signées par Mazzarella. L’artiste gantoise offre à nos regards des images de la nature filtrées par un côté scientifique, jamais ennuyeux, que renforce une patine astucieuse sur des papiers qu’elle maroufle sur des plaques de métal.
Le travail de Van Heuverswijn est marqué par les nuances et des subtilités raffinées. Ses jeux de lignes sont beaux et profonds. Elle réussit – nuages et collines, vases de fleurs, chiffres dans l’espace – à faire mouche avec presque rien. En art, il ne faut pas chercher à comprendre ce que l’on voit et avec elle, c’est l’évidence même : on reçoit des images, des sensations, des percées dans l’indicible et il suffit de s’en délecter. Dans ses très petits formats, elle réussit des équilibres formels et sensibles et émeut par des présences insolites qui perdurent en vous.

Les deux intervenants ont donc réussi le dialogue impossible et l’œil du galeriste n’y est pas pour rien, qui les a assemblés et provoqués pour une démonstration sans outrance ni grandiloquence. Chaque artiste se suffit à lui-même sans empiéter sur la présence voisine. Et ils se complètent.
Les surprises abondent toujours chez Rossi. Ainsi, pour le cas où elle vous échapperait, une vitrine à l’extérieur de la galerie propose désormais, différent à chaque nouvelle exposition, un Hommage à l’affiche. Collectionneur patenté, Francesco Rossi rassemble de longue date des pièces témoins de cet art de la publicité. Une autre façon de mettre en évidence l’art du graphisme et des artistes qui ont illustré la rue de leur talent.
Après avoir notamment épinglé les partitions de Beuys, Twombly, Gilbert&George, du Mass Moving, de la sculpture moderne, mise en exergue cette fois de l’Art Naïf grâce à l’apport de cinq affiches historiques des années 40 à soixante : les grands naïfs français, le Douanier Rousseau, l’art naïf polonais sont de cette livrée et c’est bien attachant.
Oui, vraiment, chez Rossi, loin de se conformer aux modes et aux titres phares, on ose sortir des sentiers battus, montrer des artistes trop méconnus qui méritent une reconnaissance et réjouir la vue par de l’insolite bienvenu.
Grass Whistle Art contemporain Où Rossicontemporary, 690, boulevard de Waterloo, Espace Rivoli, 1180 Bruxelles. www.rossicontemporary.com et 0486.31.00.92 Quand Jusqu’au 28 octobre, les jeudis (13 à 18h), vendredis (13 à 18h) et samedis (14 à 18h)