Gilles Barbier : Propriétaire? Locataire?
Première en Belgique pour le Français Gilles Barbier. Sculptures, dessins, gouaches, plus de 50 oeuvres inédites pour une plongée dans un certain absurde.
- Publié le 18-09-2023 à 12h19
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"Dans mon archipel perdu, les magazines de bande dessinée ont beaucoup nourri mon imaginaire", confie d'entrée de jeu un artiste qui a, sans cesse, un sourire en coin, comme si, pour lui, la vie, telle qu'elle est, ne pouvait se concevoir sans un regard ironique sur choses et gens.
Né dans l'archipel du Vanuatu, au large de la Nouvelle Zélande, en 1965, Gilles Barbier avait vingt ans quand il a rejoint la France et c'est en rebelle créatif qu'il s'est alors voué à l'art. Un trublion? Si l'on veut, car il a une façon bien personnelle, ludique et souvent comique – pourrait-on dire aussi cosmique? – de paraphraser une société qu'il nous donne à reconsidérer en filigrane de fantasmes qui sont, aux actes de la vie sociale, politique et économique, du monde, sa contribution, légère mais aussi acidulée, à des évidences qui, la plupart du temps nous échappent par manque d'implications dans l'infiniment vaste.
Barbier n'hésite pas à sculpter son clone, une manière habile de s'impliquer de facto dans un art critique autant par rapport à soi qu'aux autres. Son art frémit sous cape. Entre art contemporain pur jus et art de la BD, l'artiste se meut avec l'aisance d'un touche-à-tout qui aurait la sagesse de ne jamais en dire trop, tout en clamant, avec des audaces inédites, la malséance d'une terre que nous avons, trop souvent, oublié d'écouter.
"J'ai essayé d'apporter, dans le bel espace bruxellois d'Huberty & Breyne, une réflexion esthétique." Cette réflexion qui, avec lui, prend la pose de trente-six façons, nous enjoint d'emblée à ouvrir l'œil sur un modus vivendi bourré d'adrénaline et d'un humour corsé de savoir-faire et, surtout, de savoir-dire par la bande. C'est tonique, vivifiant, surprenant, indocile, stupéfiant. Voici la galerie reconvertie en lieu d'expérimentation pour un univers parallèle qui a du chien et impose au visiteur d'être son propre inquisiteur dans un monde dévoyé.
Geste unique?
"Courant années cinquante et soixante, l'art contemporain a développé l'idée du geste unique. Moi, de Superman à Huck, j'ai moulé des super-héros sur des corps de personnes d'âges différents." Et l'exposition de se développer autour des lubies d'un Barbier qui rase avec la conviction de celui à qui on ne la fait pas. Ainsi, son bonhomme jaune, dérivé de Spiderman, titré Ementaliste, réussit-il, unique talent, à produire du fromage fondu!
Touche-à-tout, disions-nous: à partir de 1995, Gilles Barbier a, fidèlement, réalisé des Entretiens avec diverses personnes du monde des Arts et des Lettres. Entretiens par mails et par téléphone, qu'il a retranscrits à la main. Plus loin, il est l'auteur de livres circonstanciés: le Livre des Papous, des Naufrages, des Popcorn, des Articulations, des Papillons. On lui doit aussi des fossiles de pensées. Et une bande dessinée, étalée en long, en large: L'aventure de l'homme dé ou l'histoire d'un New-Yorkais qui décide de jeter le dé, lequel jet décidera de l'aventure à la clé. D'où une suite d'épisodes aboutissant à une ode à l'incohérence, au hasard, cette anarchie dangereuse finissant par troubler le gouvernement américain. Le dessin est précis, simple, sur des feuillets colorés. Dé jeté, le sort en est jeté!
Salle centrale de la galerie: les Equilibres de Barbier. Au départ, il y est question de mémoire et du rapport aux livres, des ouvrages en tous genres qui s'appuient les uns sur les autres en des équilibres précaires. Et c'est plastiquement étonnant.
Il y a bien d'autres choses encore dans cette exposition qui vous déménage les méninges et vous oblige à vous concentrer sur le farfelu de service, in fine pas si farfelu que cela. Et nous voici passant du Cosmic Comic sur fonds à la feuille d'or aux sculptures de bulles en accumulation, présentées sur un socle lumineux, aux Coulures, devenues motifs en soi, puis aux sculptures végétales (en plastique) sur socle avec incrustation de planches de BD et magazines défraîchis. Enfin, il y a ses 32 peintures au format A1 avec, en chacune, un chapeau à l'envers (toutes sortes de chapeaux au rendez-vous). C'est daté: "ce qui est sorti du chapeau aujourd'hui".
Gilles Barbier - Propriétaire? Locataire? Art contemporain Où Galerie Huberty & Breyne, 33, Place du Châtelain, 1050 Bruxelles. www.hubertybreyne.com et 02.893.90.30 Quand Jusqu'au 14 octobre, du mercredi au samedi, de 11 à 18h.