Le jour le plus con

Produite par Jerry Bruckheimer et réalisée par Michael Bay, l’évocation de l’attaque japonaise sur la flotte américaine à “Pearl Harbor” en 1941 ne donne pas lieu au film de guerre attendu mais à un triptyque composé d’un mélodrame très “Titanic”, d’un grand spectacle pyrotechnique et une série B franchement kitsch. Avec Ben Affleck en Buck Danny et la sublime Kate Beckinsale. (F.Ds.) (LLC n° 118) Lisez aussi nos entretiens avec Kate Beckinsale et Jerry Bruckheimer

FERNAND DENIS
Le jour le plus con
©Andrew Cooper / Touchstone

Réalisation : Michael Bay. Scénario : Randall Wallace. Image : John Schartzman. Musique : Hans Zimmer. Décors : Nigel Phelps. Costumes : Michael Kaplan. Production : Jerry Bruckheimer. Avec Ben Affleck, Josh Hartnett, Kate Beckinsale, Alec baldwin, John Voight, Cuba Gooding Jr, Tom Sizemore, Dan Aykroyd 2h45.

L'attaque japonaise sur Pearl Harbor a duré dit-on, quarante minutes, c'est plus ou moins ce qu'elle dure dans le film de Michael Bay, lequel frise pourtant les trois heures. C'est que ce film de guerre est précédé d'un mélodrame Godiva (cucul la praline), «J'ai deux amors à Pearl Harbor». Et suivi d'une série B, «Des dragées pour les faces de citron». Trois films pour le prix d'un, c'est la promo de Jerry Bruckheimer, le spécialiste du film de l'été.

J'AI DEUX AMORS

Rafe et Danny sont deux amis. Depuis toujours. Voisins, ils ont grandi comme des frères, partageant une même passion, celle de l'aviation. Ils se retrouvent pilotes de chasse dans la Navy.

En 40, Rafe s'ennuie ferme sur sa base pendant que les Anglais et les Allemands s'éclatent au-dessus de la Manche. Il se porte volontaire pour l'Angleterre. Mais quatre semaines avant de décoller, il tombe amoureux d'une infirmière, the

coup de foudre. Il s'en va tout de même mais charge son ami Danny de venir prévenir lui- même sa fiancée en cas de malheur.

Malheur arrive et Danny annonce la pénible nouvelle à Evelyn, brisée par le chagrin. Ils sont inconsolables, ce qui leur fait un point commun, et partagent le réconfort à Pearl Harbor. Mais Rafe, qui n'était pas mort, débarque par surprise. Lequel des deux ex-amis Evelyn va-t-elle choisir?

Bien renseignés, n'écoutant que leur coeur, les Japonais se mettent à bombarder Pearl Harbor afin que nos trois tourtereaux cessent de se rentrer dans les plumes. Fin du premier film.

PEARL HARBOR

Deuxième film. Et pourquoi un exercice le dimanche matin? Et Zziiiiiiit Boaum. Tatatatatatata. He, c'est pas un exercice. Ziiiiiiii Baum Baoum. Les Japs attaquent. Ziiiiiiii Baum Baoum tatatatatatata. Aïe, ouille, capitaine, lieutenant, plouf plouf plouf. Quarante minutes de Ziiiiiiii Baum Baoum tatatatatatata, aïe, ouille, bardaf plus tard, on en est toujours au même point. Quels maladroits, ces Japonais! Pour couler, pulvériser, canarder, ils sont fortiches mais ils ne sont pas foutus de régler le problème d'Evelyn. Tout ce déluge de bombes, de torpilles pour rien. Enfin, ça fait des belles images.

LACHEZ LES DRAGÉES, KIDS

On passe au troisième film. Roosevelt, parapléplique se lève de sa chaise et très fâché dit à ses généraux: rien n'est impossible aux Américains. Impossible, c'est faire décoller des bombardiers des porte-avions pour envoyer quelques dragées sur les faces de citron. Résultat du match: USA-Japon 1-1. Il y aura donc une belle. À propos de la belle, les Américains, grâce à ce raid, solutionneront le problème d'Evelyn. Merci les boys.

UN MERVEILLEUX SPECTACLE

On pensait après «Full Metal Jacket», «Apocalypse Now», «The Deer Hunter», «La Ligne rouge» ou «Saving Private Ryan» que jamais plus on ne verrait un film de guerre dont l'ambition se limite à un show de cascades virtuoses, d'explosions somptueuses, de mitraillages pétaradants et de psychologie de comptoir

Pourquoi les gentils militaires japonais attaquent-ils Pearl Harbor? N'y-avait-il vraiment pas d'autre moyen pour aider Evelyn? C'est la grande question qu'on se pose à l'issue de ce film auquel la guerre fournit un spectaculaire décor. Il est vrai que le modèle n'est pas un film de guerre mais «Titanic», il suffit de voir les marins glisser sur les ponts à la perpendiculaire du plan d'eau pour s'en convaincre.

Michael Bay se veut essentiellement maître artificier. Le jeu de Buck Danny-Affleck est à ce point lourdingue qu'il en devient hilarant. Seule Kate Beckinsale illumine le film de sa grâce. À la place des Japonais, on en aurait fait autant.

© La Libre Belgique 2001

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