La dernière toile
A cheval, un acteur fuit le tournage d'un western dans un grand parc naturel américain. Que fuit-il? On l'ignore. Lui aussi semble-t-il. Lui-même, peut-être? Très difficile d'échapper à soi-même. Alors, il retourne chez sa mère. Ils ne se reconnaissent pas au premier regard, cela fait 30 ans qu'ils ne se sont plus vus.
- Publié le 18-10-2005 à 00h00
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A cheval, un acteur fuit le tournage d'un western dans un grand parc naturel américain. Que fuit-il? On l'ignore. Lui aussi semble-t-il. Lui-même, peut-être? Très difficile d'échapper à soi-même. Alors, il retourne chez sa mère. Ils ne se reconnaissent pas au premier regard, cela fait 30 ans qu'ils ne se sont plus vus. Elle a eu des nouvelles pourtant. Par les journaux. Sexe & rock'n'roll, dope & jail, Howard est un chouchou des feuilles de choux.
Quand sa mère lui demande comment va son enfant, il tombe des nues. Quel fils? Cette fois, il a peut-être trouvé une direction pour sa fuite : retrouver une femme aimée et trouver son enfant. Et cela tombe bien, la ville s'appelle Butte dans le Montana. Il s'est trouvé un «but», en quelque sorte.
20 ANS D'ÂGE
«Don't come Knocking» est ce qu'on pourrait appeler un pur Wenders, une bouteille 20 ans d'âge, cuvée «Paris Texas». Dès le tout premier plan fabuleux - le regard des rochers -, on retrouve tout ce qui vient à l'esprit quand on pense à Wenders. L'époustouflante beauté des grands espaces américains, la lumière d'Edward Hopper, la musique de Ry Cooder - même si c'est T-Bone Burnett -, un road movie comme un travelling le long d'une vie ratée. Howard a un sursaut quand il se rend compte qu'il est passé à côté de la sienne. Peut-il encore rattraper quelque chose?
S'il n'y avait cette pointe d'ironie, d'autodérision, cet humour qui perce, on dirait pratiquement l'oeuvre d'un élève admirateur de Wenders, d'un copiste surdoué. Cadre admirable, lumière chiadée, mouvements élégants, actrices magnétiques - l'énergie d'Eva Marie Saint, la puissance de Jessica Lange, la grâce de Sarah Polley -; cela fait du bien mais on sent la pointe d'amertume. Le film offre un plaisir qui rime avec souvenir, une tragicomédie qui rime avec nostalgie, celle d'un âge d'or.
«Don't come Knocking», c'est la dernière toile pour la route avec tout ce que Wenders a aimé et capté comme personne: la splendeur naturelle des grands espaces, l'atmosphère d'Hopper, l'errance du père et bien sûr l'ange - Sarah Polley - qui veille sur les hommes. Tout le cinéma de l'ami américain est là, idéalisé, peut-être un peu trop beau, comme le cow-boy Marlboro.
© La Libre Belgique 2005
Réalisation: Wim Wenders. Scénario : W.Wenders, Sam Shepard. Image: Franz Lustig. Costumes: Caroline Eselin. Musi- que : T-Bone Burnett. Décors: W. Bud. Montage : Peter Przygodda. Production: Jeremy Thomas. Avec S. Shepard, Jessica Lange, Tim Roth, Gabriel Mann, Sarah Polley, Eva Marie Saint... 2h02.