Bosphollywood ou le cinéma populaire turc
Publié le 23-02-2006 à 00h00
Quoique méconnue en dehors des frontières ou des communautés turques, il existe une véritable industrie du cinéma sur les bords du Bosphore. Celle-ci connut même un âge d'or dans les années 60-70, produisant entre 200 et 300 fictions par an. Moribonde dans les années 90, elle retrouve tout doucement les chemins du succès depuis le début du millénaire. «G.O.R.A.», une parodie de film de science-fiction, a réjoui en 2004 près de quatre millions de spectateurs turcs en moins de deux mois, terminant en tête du box office turc, devant le «Troy» de Ridley Scott. La même année, 40pc du marché était conquis par les productions locales - un taux qui a de quoi faire rêver les producteurs belges.
A côté du cinéma d'auteur, le cinéma populaire a toujours connu en Turquie un réel engouement. A partir d'un système de studios dans les années 50, il suit la même évolution que le cinéma italien, les producteurs turcs n'hésitant pas à mettre à la sauce locale les succès du cinéma international. Tous les genres - guerre, espionnage, horreur, péplum, policier,... - seront abordés, y compris la comédie érotique, très en vogue au milieu des années 70. A l'instar du western-spaghetti, la Turquie eut aussi ses westerns-döners, dont l'icône reste l'acteur-réalisateur Yilmaz Güney.
Très apprécié, Güney eut la particularité d'être un militant politique kurde. Au début des années 70, passant à la réalisation, il signe des oeuvres engagées comme «Umut» («L'espoir», 1970). Emprisonné une première fois en 1972 pour deux ans, il le sera à nouveau en 1974 suite au meurtre d'un juge. Evadé et exilé, Güney écrira et cosignera avec Srefi Gören le célèbre «Yol» («La permission»), Palme d'or à Cannes en 1982.
Entre Alain Delon (pour la belle gueule) et Burt Reynolds (pour les poings), Cüneyt Arkin fut une autre star très populaire. Avec 270 films à son actif, le gaillard a été tour à tour cow-boy, pharaon, flic, ninja ou Jean Marais d'une série de cape et d'épée, «Malkoçoglu». On l'a même vu en 1982 faire du karaté dans un film de SF qui piquait des scènes entières à «Star Wars» ! Au rang des «emprunts», citons aussi «Red Kit» d'Aram Gülyüz; il devrait beaucoup à un certain cow-boy solitaire qui tire plus vite que son ombre (le titre de la suite, «Red Kit Daltonlar Karsi», semble le confirmer...). Ce qui ne doit pas faire oublier que le cinéma turc a aussi ses auteurs.
© La Libre Belgique 2006