Chronique d'un divorce ordinaire

Inconnu chez nous, Noah Baumbach est le coscénariste du délirant «The Life Aquatic with Steve Zissou» de Wes Anderson (ici producteur). Difficile, dès lors, d'imaginer à quoi peut bien ressembler «The Squid and the Whale», au titre étrange puisqu'il se traduit par «Le calmar et la baleine»... Eh bien, il ne ressemble à rien de ce que l'on peut voir en ce moment sur les écrans.

Hubert Heyrendt
Chronique d'un divorce ordinaire
©D.R.

Inconnu chez nous, Noah Baumbach est le coscénariste du délirant «The Life Aquatic with Steve Zissou» de Wes Anderson (ici producteur). Difficile, dès lors, d'imaginer à quoi peut bien ressembler «The Squid and the Whale», au titre étrange puisqu'il se traduit par «Le calmar et la baleine»... Eh bien, il ne ressemble à rien de ce que l'on peut voir en ce moment sur les écrans.

Avec une sensibilité bouleversante, Baumbach se contente simplement de livrer une variation autobiographique sur le thème de «Kramer vs Kramer» d'une étonnante fraîcheur. Soit un quadra, Bernard, écrivain sur le retour, une femme, Joan, quant à elle en pleine ascension, et leurs deux fils dans le New York du milieu des années 80. Si la séparation se fait plus ou moins à l'amiable entre les parents, elle n'en reste pas moins déchirante pour Walt, 16 ans, et Frank, 12 ans. Comment réapprendre de nouvelles habitudes? Comment annoncer la nouvelle à l'école? Comment passer par toutes les transformations de l'adolescence avec ce poids supplémentaire sur les épaules?

Ce qui frappe dans ce quatrième long métrage, c'est son extrême sobriété, son refus des situations outrées, des scènes sursignifiantes. Ici, tout n'est que finesse, ressenti. Ce qui permet à «The Squid and the Whale» de faire vivre de l'intérieur une séparation pourtant des plus banales et ainsi de toucher à une vérité universelle. Ce qui intéresse Baumbach, ce sont, en effet, ces petits moments de vie a priori anodins mais tellement révélateurs. Le ton est donné dès une remarquable scène d'ouverture. Ou comment, au cours d'une simple partie de tennis en famille, le réalisateur parvient à mettre en place les tensions et les enjeux qu'il développera tout au long de cette petite perle de celluloïd illuminée par des acteurs épatants de sobriété. Jeff Daniels et Laura Linney disparaissent, en effet, complètement derrière ce mari et cette femme en train de se séparer mais cherchant à préserver leurs deux enfants.Charme supplémentaire, le cinéaste choisit comme cadre un New York bobo, celui d'écrivains, d'artistes mais surtout de gens ordinaires qui continuent à vivre avec une certaine forme d'idéal, de respect, d'honnêteté vis-à-vis d'eux-mêmes et de ceux qui les entourent. Se glissant entre Woody Allen et Paul Auster, Baumbach recrée, avec une douce nostalgie, une infinie tendresse, un univers qui semble avoir aujourd'hui disparu au profit d'un individualiste indifférent. Un sentiment d'authenticité renforcé par une mise en scène sans fard, à l'ancienne. Car le réalisateur ne poursuit qu'un seul but, celui de conférer à son témoignage, à ses personnages complexes le plus de vérité possible et ainsi, sans jamais forcer le trait, faire vibrer chez le spectateur une corde sensible, celle du coeur.

Une famille

se décom- pose...

© La Libre Belgique 2006


Scénario & réalisation: Noah Baumbach. Production: Wes Anderson. Photographie: Robert D.Yeoman. Musique: Britta Phillips & Dean Wareham. Montage: Tim Streeto. Avec Jeff Daniels, Laura Linney, Anna Paquin, William Baldwin... 1 h28.

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