Blair saved the Queen
Le premier plan de «The Queen» nous montre une Elisabeth II posant pour la postérité. Ce jour-là, Tony Blair, dangereux réformiste aux yeux de la Couronne britannique, vient de remporter les élections. «Je vous envie d'avoir pu voter», confie la souveraine à son peintre officiel.
- Publié le 17-10-2006 à 00h00
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Le premier plan de «The Queen» nous montre une Elisabeth II posant pour la postérité. Ce jour-là, Tony Blair, dangereux réformiste aux yeux de la Couronne britannique, vient de remporter les élections. «Je vous envie d'avoir pu voter», confie la souveraine à son peintre officiel. Cette femme à la tête de la plus vieille monarchie parlementaire n'a pas vraiment son mot à dire. On va pourtant lui reprocher un jour de se taire.
SILENCE À BUCKINGHAM PALACE
Le 1 éme r septembre 1997, le monde apprend la mort de la princesse Diana dans un accident de voiture à Paris. La famille royale est au domaine de Balmoral, sa retraite d'été, en Ecosse. A Londres, Tony Blair (Michael Sheen, mimétique) tout frais émoulu Premier ministre pressent l'impact populaire de l'événement. Son bras droit Alistair Campbell lui écrit un discours qui fera date, hommage à «la princesse du peuple». Les citoyens convergent vers Buckingham Palace, vide, et y déposent fleurs et condoléances. Le prince Charles (Alex Jennings) part à Paris pour ramener le corps de son ex-épouse. Mais la Reine reste silencieuse. Cinq jours durant, la Grande-Bretagne, d'abord interloquée, ensuite choquée puis furieuse, attendra une manifestation de celle-ci.Avec un sens consommé du détail juste, Stephen Frears pose sa caméra dans les couloirs du 10 Downing Street et de Balmoral pour montrer le fossé entre le sommet de l'Etat et la nation et l'émergence de la politique-spectacle. Tony Blair est le tampon, celui qui, selon le film, tentera de protéger la reine de la vindicte de la rue et de son administration, entretenue par la presse la plus féroce d'Europe.
Le regard peut paraître impitoyable pour Elisabeth II, la reine-mère ou le prince Philip (James Cromwell) qui passe ces journées à «distraire» William et Harry à la chasse. Sans compter que, dans un équilibre étonnant entre chronique rigoureuse et humour (anglais), Frears aligne les saillies comme lorsque la reine-mère s'émeut que l'on utilise pour les funérailles de Diana le protocole préparé pour les siennes: «Mais soyez assurée que les têtes couronnées et chefs d'Etat seront remplacés par des vedettes de cinéma et des célébrités...»
Derrière ces apparents crimes de lèse-majesté, il y a pourtant un respect, voire une tendresse pour cette «femme qui a voué sa vie à son peuple pour un métier qu'elle n'a pas choisi». Ce monument de froideur en sort humanisé. Quant à savoir pourquoi Blair a sauvé la Reine, c'est peut-être parce que, comme l'analyse celle-ci, il pressentait qu'un jour ce serait lui qui serait cloué au pilori...
On lira un entretien avec Stephen Frears en p.19 de «La Libre».
© La Libre Belgique 2006
Réalisation: Stephen Frears. Scénario: Peter Morgan. Directeur de la photogra- phie: Affonso Beato. Musique: Alexandre Desplat. Montage: Lucia Zucchetti. Avec Helen Mirren, Michael Sheen, James Cromwell, Alex Jennings... 1 h37.