La vie en noir

Présenté en grandes pompes la semaine dernière en ouverture du 57e Festival de Berlin, "La Môme" est ce que l'on peut appeler une superproduction française. Sur le modèle des très à la mode biopics hollywoodiens, Olivier Dahan s'attaque à un monument du patrimoine français : Edith Piaf.

H. H.
La vie en noir
©D.R.

Présenté en grandes pompes la semaine dernière en ouverture du 57e Festival de Berlin, "La Môme" est ce que l'on peut appeler une superproduction française. Sur le modèle des très à la mode biopics hollywoodiens, Olivier Dahan s'attaque à un monument du patrimoine français : Edith Piaf. L'idée lui est venue comme ça, en feuilletant un bouquin sur la plus populaire des chanteuses françaises. Lelouch avait fait "Edith et Marcel" en 1983 - dans lequel aurait dû jouer Patrick Dewaere -, Dahan aura sa "Môme". Si son aîné se centrait grosso modo sur l'histoire d'amour entre la vedette et le boxeur Marcel Cerdan, le jeune réalisateur ne se concentre... sur rien. Et c'est bien là le problème. A force de vouloir mettre tous les ingrédients dans son gros gâteau - de la mère indigne et du passage de la petite Edith Gassion dans un bordel normand au triomphe à New York, en passant par la déchéance dans la drogue et la maladie -, il le rend indigeste car sans aucun point de vue affirmé.

Restant sans cesse au niveau de l'illustration scolaire, "La môme" n'est clairement pas à la hauteur de ses ambitions et surtout de son sujet. Se reposant sur un casting impressionnant, Dahan en oublie de nous parler d'Edith Piaf, de ses chansons, de son histoire d'amour avec le public, de la force qui se dégageait de ce petit bout de femme d'1 m 47. Alors, il emballe le tout dans une mise en scène éclatante, aussi légère qu'elle pouvait l'être dans ses précédents "Le Petit Poucet" ou "Les rivières pourpres 2"... Sans compter que le réalisateur a fait le choix incongru de refuser la chronologie pour mettre en boîte sa tragédie populaire appuyée. Sauf que le procédé semble ici totalement gratuit, les événements éclatés ne semblant en effet jamais se répondre vraiment.

Ce qui sauve l'entreprise, c'est évidemment Marion Cotillard, magistrale dans un rôle à Oscar si l'on était à Hollywood. Au-delà du simple mimétisme des maquillages - enlaidie, on la reconnaît à peine par moments -, la comédienne est parvenue à se glisser dans la peau de Piaf, qu'elle soit pétillante de vie à 15 ans ou s'écroulant sur scène en plein tour de chant. Ce qu'elle a réussi à capter, c'est la gouaille de ce moineau parisien qui a su toucher les foules jusqu'au plus profond de leur être et qui continue de le faire avec des succès impérissables comme "Milord", "La foule" ou "La vie en rose". C'est d'ailleurs quand vient le moment de chanter "Non, je ne regrette rien" à l'Olympia, quelques années avant sa mort à 47 ans, que l'émotion explose. Sauf que l'émotion naît de la voix de Piaf, pas du film...


Réalisation : Olivier Dahan. Scénario : Olivier Dahan & Isabelle Sobelman. Photographie : Tetsuo Nagata. Musique : Christopher Gunning. Montage : Yves Beloniak, Sophie Delecourt & Richard Marizy. Avec Marion Cotillard, Sylvie Testud, Clotilde Courau, Jean-Paul Rouve, Pascal Greggory, Emmanuelle Seigner, Gérard Depardieu... 2 h 20.

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