Ben Stassen sur la route des étoiles
Il y a deux ans, après avoir produit une trentaine de rides et 8 films Imax, le producteur et réalisateur belge Ben Stassen annonçait son intention de réaliser le premier long métrage exclusivement conçu pour une projection en relief. Pari audacieux que l'on peut aujourd'hui découvrir en salles et qui lui vaut de brûler la politesse à James Cameron - excusez du peu. Retour sur une révolution avec l'un de ses plus ardents promoteurs.
Publié le 29-01-2008 à 00h00
Il y a deux ans, après avoir produit une trentaine de rides et 8 films Imax, le producteur et réalisateur belge Ben Stassen annonçait son intention de réaliser le premier long métrage exclusivement conçu pour une projection en relief. Pari audacieux que l'on peut aujourd'hui découvrir en salles et qui lui vaut de brûler la politesse à James Cameron - excusez du peu. Retour sur une révolution avec l'un de ses plus ardents promoteurs.
"Fly me to the Moon" n'est pas le premier film en 3D que l'on voit. En quoi le vôtre est-il différent ?
"Fly me to the Moon" est le premier film qui a été conçu pour la 3D et, surtout, uniquement pour une sortie en 3D. On peut aborder la 3D de deux manières : comme une évolution ou comme une révolution. Il y a eu plusieurs évolutions dans l'histoire du cinéma mais une seule grande révolution : le passage du muet au parlant. Ça a tout changé : le casting des acteurs, le scénario, la réalisation,... Les autres films n'ont traité la 3D que comme une évolution. Pour moi, la 3D, c'est plus que ça. Le cinéma, c'est une fenêtre. On raconte son histoire à travers cette fenêtre. Avec la 3D, on peut se contenter de créer une perspective derrière la fenêtre et de temps en temps faire sortir quelque chose devant celle-ci. Mais je préfère essayer d'éliminer la fenêtre et de créer un espace dans lequel on immerge le public. C'est une expérience en immersion.
Chose surprenante, ce film a été entièrement réalisé à Bruxelles.
Le film est cent pour cent belge sauf le scénario, que l'on a acheté aux Etats-Unis. Toute la fabrication a été faite à Bruxelles dans nos studios de Forest par une équipe d'une soixantaine de personnnes - ce qui est très peu par rapport aux productions américaines type Pixar ou Dreamworks où ils sont parfois jusqu'à 300 ou 400 personnes. Nous avons autofinancé le film, avec aussi un apport de tax shelter. Cette autonomie nous a permis d'être beaucoup plus efficaces, avec une relativement petite équipe. Notre avantage était qu'on maîtrisait très bien l'aspect technique des choses, puisqu'on a fait beaucoup de films pour parcs d'attractions ou salles Imax.
Avez-vous rencontré des difficultés particulières ?
Il y a tellement peu de films en immersion qui ont été faits, qu'on manque de références. On expérimente beaucoup, parfois dans le vide. Quand on a commencé le film, ma plus grande inquiétude concernait l'animation elle-même. Le public ne se préoccupe pas de ce qu'a coûté le film ou de l'endroit où il a été fait. Il fallait donc faire un film de qualité internationale avec un petit budget et une petite équipe. J'ai été un peu nerveux quand j'ai dû aller recruter des animateurs, à Valencienne ou à Montpellier, dans les écoles, qui n'avaient jamais travaillé sur un long métrage. Mais ce fut ma plus grande surprise. On a eu quand même pas mal de problèmes techniques. Nous avons utilisé le programme Renderman, créé par Pixar, qui fait les textures et les rendus des matières. L'ennui est que personne ici ne maîtrisait ce logiciel. Ce fut un casse-tête.
Y a-t-il des sujets qui ne peuvent pas être traités en 3D ?
En télé et au cinéma, tout a déjà été fait. La 3D va nous permettre de réinventer la roue, de traiter des sujets d'une manière différente. On croit souvent que la 3D ne sera intéressante qu'avec des tas d'effets et d'action. Mais au niveau émotionnel, elle peut aussi apporter beaucoup. Je ne vois pas l'utilité de faire des films comme on les fait très bien en 2D et de juste rajouter la couche "3D". Si on devait faire un James Bond en 3D, il faudrait réinventer la grammaire "James Bond" pour en faire un film intéressant en 3D. Cela dit, il y a des sujets qui se prêtent mieux à la 3D, compte tenu de ses contraintes : dès qu'un objet est coupé par le cadre de l'écran, inconsciemment, notre cerveau le ramène derrière l'écran et l'effet d'immersion est perdu. Pour éviter cela, les univers qui sont le plus favorables à la 3D sont l'aérien et l'espace - comme dans "Fly Me to the Moon" - et les univers marins. Notre prochain film, sur lequel nous travaillons déjà, se passera dans la mer. "Autour du monde en 50 ans" : ce sera une épopée écologique, où l'on suit une tortue de mer, de la naissance à la maturité.