Julian Schnabel invite la Palestine

Hier soir, la Mostra a dévoilé le dernier opus de Julian Schnabel, "Miral". Comme pour son film précédent, "Le scaphandre et le papillon", l’artiste américain s’aventure loin de son pays avec cette fresque historique retraçant le combat des Palestiniens pour la liberté depuis 1947 et la création de l’Etat israélien jusqu’à 1993 et la naissance de l’Etat palestinien.Toutes les images de la Mostra de Venise

Hubert Heyrendt
Julian Schnabel invite la Palestine
©AP

Envoyé spécial à Venise Hier soir, la Mostra a dévoilé le dernier opus de Julian Schnabel, "Miral". Comme pour son film précédent, "Le scaphandre et le papillon" (tourné en France), l’artiste américain s’aventure loin de son pays avec cette fresque historique retraçant le combat des Palestiniens pour la liberté depuis 1947 et la création de l’Etat israélien jusqu’à 1993 et la naissance de l’Etat palestinien. Pour autant, Schnabel ne livre pas un film engagé, de parti pris. Comme il le précise à la fin, de façon un peu convenue, il s’agit pour lui de rendre hommage à celles et ceux qui, des deux côtés, ont cherché à trouver une solution de paix.

"Quoi que l’on fasse, c’est toujours de la politique; c’est le cas de la plupart des films", expliquait hier le cinéaste en conférence de presse à l’issue d’une projection de presse très applaudie. "Le "New York Times" possède une section "Art&Entertainment". Mais je ne pense pas que ce soit la même chose. La peinture n’est pas décorative, tout comme un film ne doit pas nécessairement être un divertissement Quand je fais un film, je dois apprendre quelque chose. Je ne suis pas un homme politique mais je pense qu’on ne pouvait pas faire pire que la situation actuelle " Ce qui explique, pour le cinéaste, l’urgence qu’il y avait à faire ce film. "Je crois que ce conflit doit s’achever le plus vite possible. Quand un enfant meurt, d’un côté comme de l’autre, c’est toujours injuste. C’est pour cela que j’ai voulu adapter ce livre, avec mon point de vue, mon passé de petit Juif américain."

Le livre comme le scénario de "Miral" ont été écrit par la journaliste palestinienne installée en Italie Rula Jebrael. Elle y relate son parcours, celui d’une Palestinienne née en 1973 qui a pu devenir ce qu’elle est aujourd’hui, sortir de l’impasse à laquelle la destinait le conflit israéo-palestinien, grâce au soutien d’une série d’hommes et de femmes qui ont cru dans le pouvoir de l’éducation. Notamment Hind Husseini (Hiam Abbass à l’écran), fondatrice en 1948 de l’orphelinat Dar Al-Tifel à Jérusalem, qui a recueilli et éduqué des centaines de petites palestiniennes.

Perdue entre son respect pour "Mamma Hind" et sa volonté de changer la situation de son peuple, Miral offre une trajectoire exemplaire. Parfois un peu trop exemplaire sans doute

Très tenu dans sa première heure, enthousiasmant par la capacité de Schnabel à insuffler une réelle liberté à son sujet, "Miral" ne parvient malheureusement à garder le cap, glissant vers l’émotion appuyée et péchant par un besoin d’affronter l’ensemble de la question palestinienne. Le film perd alors un peu de ce qui faisait sa force, sa capacité à aborder un sujet inscrit dans une réalité historique et politique bien précise de façon universelle.

Ne tombant jamais dans l’abus de reconstitution, l’artiste Schnabel filme en effet cette fresque avec le style qui lui est propre.

D’une grande liberté, sa mise en scène se fait formellement inventive, Schnabel composant certaines de ses scènes comme de véritables tableaux, avec un sens inné du cadre et de la couleur. Dans ces moments-là, d’une grande force évocatrice, "Miral" touche à la grâce.

Egalement attendu, "Norwegian Wood" marque le retour du cinéaste français d’origine vietnamienne Tran Han Hung, découvert à Cannes en 1993 avec son premier film "L’odeur de la papaye verte". Dix ans après "A la verticale de l’été", il adapte ici le roman "Tokyo Blues" du Japonais Haruki Murakami. Soit une épure sensible mais un peu longuette sur le sentiment amoureux et la difficulté à faire le deuil d’un amour disparu. Situé dans le Japon de la fin des années 60, où, comme partout ailleurs, souffle dans la jeunesse le vent de révolte et de la liberté, le film suit le jeune Watanabe, amoureux transi de Naoko, laquelle n’a jamais pu se remettre du suicide de leur ami Kizuki. Une œuvre subtile et pudique dans son expression de la sentimentalité

Dans un registre totalement différent, l’auteur de théâtre italien Ascanio Celestini offrait, lui, à la Mostra un pur moment de poésie. "Pecora nera" pose en effet sur l’évolution du monde le regard d’un être naïf, né dans les "fabuleuses" années 60 et ayant passé sa vie dans asile de fous tenu par des bonnes sœurs. Auteur, interprète et réalisateur, Ascanio propose une œuvre très littéraire. Car s’il l’on est dans un registre connu, celui de la comédie à l’italienne, par sa superbe voix off, au texte magnifique, en dialogue permanent avec l’image, "Pecora nera" s’abstrait de ce cadre pour nous bercer par sa musicalité.

Une jolie surprise de plus dans une Compétition jusqu’ici d’un bon niveau.

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