Le culte des assassins

Dans “13 Assassins”, le prolifique Takashi Miike relit, côté sombre, le mythe du samouraï. Formellement impressionnant, avec, en apothéose, un combat final de 45 minutes, ce film de sabre, a priori classique, donne en effet une image sombre de samouraïs, réduits ici au rang d’assassins, de mercenaires aussi sanguinaires que le shogun qu’ils doivent abattre… Impressionnant ! 2 h 06.

H. H.
Le culte des assassins
©D.R.

Cinéaste touche-à-tout, adulé par un pan grandissant de cinéphiles, Takashi Miike est passé par tous les genres : l’ultraviolence ("Itchi the Killer"), le superhéro ("Zebraman"), le polar ("Dead or Alive"), le fantastique ("Audition") et même la comédie musicale fantastique ("The Happiness of the Katakuris"). Si ses films sont très différents, le cinéaste japonais marque, néanmoins, chacun d’entre eux de son empreinte : une volonté de filmer à tout prix, un grand savoir-faire formel, mais aussi un certain détachement, une certaine ironie

Longtemps relégué dans les festivals fantastiques, Miike a, depuis quelque temps déjà, été adoubé par la grande famille du cinéma d’auteur. Ainsi, a-t-on pu voir le très étrange "Izo" à Berlin, en 2004, ou ce "13 Assassins" à Venise l’année dernière. Il faut dire que sa productivité - avec jusqu’à trois ou quatre films par an, il ferait passer Woody Allen pour un faignant - lui permet d’être présent dans quasiment chaque festival important ! Ainsi, en mai dernier, offrait-il au public cannois "Mort d’un Samouraï".

On peut d’ailleurs lire "13 Assassins" et "Mort d’un Samouraï" comme un diptyque dans lequel Miike s’attache à relire le mythe japonais du samouraï dans sa face la plus sombre. Si le second le fait en 3D et de façon très théâtrale, le premier répond, a priori, plus aux codes du chanbara, le film de sabre nippon. Mais on est loin d’une exaltation du bushido, la célèbre "voie du samouraï". Même s’il s’agit d’un remake d’un film de 1963 d’Eiichi Kudo, le titre est, en effet, significatif. Là où Kurosawa évoque "Sept Samouraïs", il s’agit bien ici de treize "assassins". Le film retrace une bataille légendaire : un haut dignitaire du shogunat Tokugawa recrute treize samouraïs en vue d’assassiner Matsudaira Nariaki, shogun du clan akashi devenu incontrôlable. On les suit donc dans leur mission suicide

Formellement, Miike se montre une nouvelle fois impressionnant. Très à l’aise, il s’offre même l’une des plus longues scènes de combat de l’Histoire du cinéma, la bataille finale occupant près de la moitié du film ! Une scène d’apothéose où se déchaîne la violence en parfait contrepoint avec le début du film, classique, posé, dans la lignée d’un Kurosawa. Mais, dès que le combat est enclenché, Miike se lâche, mêlant combats au sabre de styles différents et effets pyrotechniques, sans jamais mettre à mal la lisibilité du film. Malgré un nombre impressionnant de personnages, Miike parvient, en effet, à rendre l’action toujours limpide.

Mais c’est aussi dans la relecture qu’il propose de la figure du samouraï (précurseur du kamikaze) que Miike convainc. De ces héros traditionnels, il fait de parfaits antihéros. Car si le shogun qu’ils traquent est un être sanguinaire, eux-mêmes apparaissent comme assoiffés de violence, jusqu’à la folie pour certains. Dans un Japon pacifié, les samouraïs deviennent des hommes errant sans but dans la société. Des êtres désœuvrés dont l’unique savoir-faire est l’art de la guerre, et qui se transforment, dès lors, peu à peu en mercenaires sans scrupules


13 Assassinsl Jûsan-nin no shikaku *** Réalisation : Takashi Miike. Scénario : Daisuke Tengan (d’après un scénario original de Kaneo Ikegami). Musique : Koji Endo. Avec Koji Yakusho, Takayuki Yamada, Yusuke Iseya 2 h 06.


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