Tropa de Elite 2

En 1973, deux ans après "L’Inspecteur Harry", "Magnum Force" venait nuancer le tempérament polémique -car perçu comme "fasciste" par certains- de l’expéditif inspecteur incarné par Clint Eastwood.

A.Lo.

En 1973, deux ans après "L’Inspecteur Harry", "Magnum Force" venait nuancer le tempérament polémique -car perçu comme "fasciste" par certains- de l’expéditif inspecteur incarné par Clint Eastwood.

Quatre ans après le tout aussi dérangeant et peu politiquement correct "Tropa de Elite", le réalisateur et scénariste Jose Padilha opère une manœuvre similaire dans cette suite de son blockbuster brésilien, par ailleurs récipiendaire de l’Ours d’or à Berlin en 2007. L’opération reste à tout le moins payante commercialement, puisque ce deuxième opus a dépassé au Brésil le total des recettes d’"Avatar" : il est sorti dans les salles alors même que la police menait une nouvelle guérilla urbaine contre les trafiquants de drogue

Situé treize ans après l’action du premier volet, "Tropa de Elite 2" dépeint toujours l’activité du BOPE, le groupe d’intervention d’élite de la police militaire de Rio de Janeiro. Suite à une bavure lors d’une opération dans une prison, le capitaine Nascimento, commandant du BOPE, est recasé au département de la Sûreté publique. Parallèlement, un de ses anciens subordonnés déchus mène sa propre croisade contre la corruption, incarnée par des policiers ripoux faisant main basse sur le trafic de drogue dans les favelas, avec la complicité d’un politiciens populistes -dont un animateur de talk-shows.

Tout en nuançant le profil de son héros -qui s’interroge sur la moralité de ses actes- Padilha, après avoir opposé avec un certain manichéisme les trafiquants de drogue aux flics militarisés, s’en prend donc au ménage entre politiques et médias corrompus. Derrière le poujadisme latent (sur fond de "tous pourris"), voire un certain cynisme commercial, Jose Padilha n’en réussit pas moins une fiction efficace et brillante formellement, qui doit beaucoup à son directeur photo, Lula Carvalho. Fresque dense de près de deux heures, "Tropa de Elite 2" réussit une alchimie délicate entre film d’action commercial et peinture âpre de tensions sociales et de leur instrumentalisation par la politique spectacle dans le troisième pays le plus violent du monde.

Ancien cinéaste documentaire, le réalisateur occulte certains excès de dramatisation (l’ex-femme de Nascimento se remet en ménage avec le militant des droits de l’homme responsable de sa mise à pied) grâce à son esthétique du chaos, héritée autant de "La Cité des hommes" de son compatriote Fernando Meirelles que de séries nord-américaines comme "The Shield". On peut même le créditer d’une forme d’honnêteté sémantique : en dépit ses effets de styles évoquant le documentaire (et les images d’actualité familières pour les Brésiliens), le récit est explicitement subjectif, puisque narré par Nascimento. En lui appliquant le désormais traditionnel avertissement précédent les versions commentées des films sur DVD, Padilha pourrait même affirmer que "ses propos n’engagent que lui" . A fortiori, le réalisateur Padilha répond à ses détracteurs avec cette suite : si le "force reste à la loi" du premier opus avait des relents réactionnaires, il y ajoute ici en guise de conclusion un corollaire : "La loi, c’est le peuple." Qui a finalement les élus qu’il mérite, semble conclure le nihiliste Nascimento.

Réalisation et scénario : Jose Padilha. Photographie : Lula Carvalho. Avec : Wagner Moura, Irandhir Santos, Andre Ramiro, Pedro Van-Held, 1h56.

Suite de nos critiques en p. 8

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