La fille qui aimait David Fincher
La révélation de "Les hommes qui n’aimaient pas les femmes", c’est elle, comme le fut Noomi Rapace dans la version suédoise. Rooney Mara, 26 ans, n’est pas une nouvelle venue chez David Fincher : au début de "The Social Network", c’est elle qui plaque Mark Zuckerberg, le futur patron de FaceBook. Après un long casting, la comédienne new-yorkaise a décroché le rôle très convoité de Lisbeth Salander.
Publié le 18-01-2012 à 04h15 - Mis à jour le 18-01-2012 à 13h41
:focal(115x89:125x79)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/H4XQ2YAITJHERLTXSXN33U5S5E.jpg)
Entretien à Londres La révélation de "Les hommes qui n’aimaient pas les femmes", c’est elle, comme le fut Noomi Rapace dans la version suédoise. Rooney Mara, 26 ans, n’est pas une nouvelle venue chez David Fincher : au début de "The Social Network", c’est elle qui plaque Mark Zuckerberg, le futur patron de FaceBook. Après un long casting, la comédienne new-yorkaise a décroché le rôle très convoité de Lisbeth Salander.
Qu’est-ce qui vous a amenée à postuler pour le rôle de Lisbeth Salander ?
J’aurais été folle de refuser. Tout le monde aurait voulu le faire pour des raisons évidentes. Les actrices ont rarement l’occasion d’avoir un tel rôle. Je n’ai pas le souvenir d’avoir jamais trouvé un personnage de fiction qui a la puissance de Lisbeth. C’est un rôle très riche.
Vous avez lu le livre avant même que ce projet soit en branle. Vous est-il arrivé de vous projeter dans le personnage ?
Le fait est que j’ai lu le livre quand j’ai su que j’auditionnerais pour ce film. Mais j’avais vu l’adaptation suédoise. Donc, ce fut un peu étrange, parce que lorsque j’ai commencé à lire le livre, je voyais Noomi Rapace en Lisbeth Salander. Et puis, progressivement, j’ai forgé ma propre vision du personnage et j’ai petit à petit projeté sur elle une vision plus personnelle.
Pouvez-vous vous identifier à elle ?
Je ne l’ai jamais vue comme une féministe mais plutôt comme une personne solitaire qui a son propre code moral. Et qui n’en dévie pas. Je ne pense pas qu’elle se considère comme une féministe ou comme ayant une quelconque mission. Maintenant, je comprends qu’elle puisse apparaître comme un symbole aux yeux de certains groupes féministes. Mais elle ne fait partie d’aucun groupe. Elle suit sa voie. Donc, je n’avais pas du tout cette dimension en tête en l’interprétant.
David Fincher a la réputation d’être très méticuleux et très exigeant. Quel genre de directeur d’acteur est-il ?
Il adore les acteurs. Je ne sais pas pourquoi. Il les respecte. Et il est très ouvert. Nous avons des échanges sur la manière de forger nos personnages jusqu’au dernier jour de tournage. La réputation caricaturale qu’il a ne correspond pas à l’homme que je connais.
D’où lui vient cette réputation ?
Je ne sais pas. Je crois qu’il s’en amuse. Donc, je ne vais pas gâcher son petit mythe. Mais ce n’est pas un tyran. Et il a un grand sens de l’humour. Si certaines personnes, de l’extérieur, le trouvent difficile, c’est qu’il est un peu comme Salander. Il ne suit que ses propres règles. Il fait les choses à sa façon et ne fait aucun compromis.
David Fincher est réputé faire énormément de prises. De votre point de vue d’actrice, pourquoi procède-t-il ainsi ?
D’abord, parce que c’est un perfectionniste. Il voit des choses que nous ne voyons pas. Ensuite, je crois qu’il est plus facile de s’abandonner dans une scène après la trentième ou la quarantième prise. Il voit toutes les petites nuances, la moindre inflexion. Il cherche une forme de perfection. Mais il reconstruit aussi les scènes à partir des différentes prises. Il réalise une composition.Enfin, il part du principe que si on investit de l’argent dans un film pour déplacer toute une équipe en Suède, que si chacun investit autant de temps et d’énergie pour concevoir un film, tant qu’on y est, autant y aller à fond. Si c’est pour se contenter de trois prises, à quoi bon. Il veut tirer le maximum de chacun et rentabiliser cet investissement.
Le récit comprend plusieurs scènes très difficiles, dont un viol. Comment les avez-vous abordées ?
J’étais bien préparée. Je connaissais l’histoire et nous avions répété. Sur le tournage, tout le monde était très respectueux. Il n’y eut jamais aucun malaise. Ce qui ne veut pas dire que ce ne fut pas dur physiquement et émotionnellement. Mais je ne me suis jamais sentie exploitée ou humiliée. Je faisais confiance à David. Je suis une personne plutôt réservée et timide, mais je lui ai fait confiance instinctivement dès le début, sans hésitation.
Votre partenaire de la scène de viol a déclaré qu’après le tournage de celle-ci, il s’est enfermé dans sa loge et a pleuré. Avez-vous eu une réaction similaire ?
On a tourné cette scène pendant une semaine. Et nous avons commencé le tournage le jour de la Saint-Valentin, ce qui est un peu étrange. J’ai passé une journée à me faire comprimer la gorge. C’était assez éprouvant. Physiquement, votre corps réagit instinctivement à ce traumatisme, même si votre esprit sait que c’est simulé. Le jour suivant, nous avons tourné le viol proprement dit. J’étais déprimée. C’était encore plus difficile. Et je savais que j’avais encore devant moi d’autres journées d’abus simulés. Je suis entrée dans un processus de dissociation de ma personne. Il m’a fallu quelques jours ensuite pour relâcher la pression.
Diriez-vous que, à ce jour, votre rencontre avec David Fincher fut la plus importante de votre carrière ? Qu’en retirez-vous ?
Oh oui ! c’est une rencontre importante. Et ce que j’ai appris avec lui fait aussi partie des choses les plus importantes qui me soient arrivées. La meilleure conséquence de ce projet, au-delà du récit ou du personnage, c’est précisément d’avoir travaillé avec David. Je n’aurais pas livré le quart de ce que j’ai livré avec tout autre réalisateur. Ce qu’il m’a appris dépasse le simple cadre du cinéma.
Vous allez tourner avec Terrence Malick...
Oui, mais sans doute pas avant septembre 2012, autant que je sache. Je ne sais pas quoi en dire. On dit aussi qu’il est "difficile". Je crois qu’on dit ça de tous les réalisateurs qui ont une voix particulière, un style, sans compromis.
Vous y partagerez l’affiche avec Ryan Gosling. Vous êtes les deux acteurs en vue du moment. Ressentez-vous de la pression ?
Je ne sais pas. Je ne me vois pas dans la même catégorie que Ryan. Il est dans le circuit depuis plus longtemps que moi. J’évite de me mettre la pression. Je n’y pense pas.
Que ferez-vous d’ici-là ?
Je ne sais pas : je n’ai pas d’autres projets pour l’instant. J’espère que quelque chose se présentera.