Pas tend re est la nuit

Commandant Weiss, c’est moi votre chauffeur, cette nuit." Ainsi se présente une charmante jeune femme qui va piloter cet officier de la brigade mondaine dans sa tournée parisienne nocturne. Veut-il, dès le premier arrêt, l’éblouir, sortir le grand jeu ? A peine entré dans un bar à putes, la discussion s’échauffe avec le patron et notre flic fait voler une vitrine en éclats. On ne comprend pas trop pourquoi. Il paraît plutôt de mauvais poil. Parce qu’il se sent surveillé par l’IGS, la police des polices ? Ou tout simplement, la lassitude d’un boulot qui ressemble fort peu au glamour qu’on s’en fait. Après tout, l’obscurité, c’est comme cela; on met un certain temps à s’habituer, à y voir un peu plus clair, surtout après avoir été aveuglé par un gros spot, un feu d’artifice.

Fernand Denis

Commandant Weiss, c’est moi votre chauffeur, cette nuit."

Ainsi se présente une charmante jeune femme qui va piloter cet officier de la brigade mondaine dans sa tournée parisienne nocturne. Veut-il, dès le premier arrêt, l’éblouir, sortir le grand jeu ? A peine entré dans un bar à putes, la discussion s’échauffe avec le patron et notre flic fait voler une vitrine en éclats. On ne comprend pas trop pourquoi. Il paraît plutôt de mauvais poil. Parce qu’il se sent surveillé par l’IGS, la police des polices ? Ou tout simplement, la lassitude d’un boulot qui ressemble fort peu au glamour qu’on s’en fait. Après tout, l’obscurité, c’est comme cela; on met un certain temps à s’habituer, à y voir un peu plus clair, surtout après avoir été aveuglé par un gros spot, un feu d’artifice.

On a toute la nuit pour voir notre commissaire sortir d’un bar pour rentrer dans une boîte, visiter les loges d’un cabaret de travestis, choper un type dans un club gay, surveiller quelques prostituées sur un trottoir, sans oublier le passage par un cercle de jeu et la traversée d’une boîte à partouze à la rencontre du patron toujours bien informé. C’est passionnant, parce que Philippe Lefèbvre ne racole pas, s’en tient au boulot de son policier depuis trop longtemps dans le métier pour être encore sensible à tout ce qui brille, à tout ce qui excite. Sa nuit n’est pas glamour et si on veut de la bagarre, de la cascade, des flics d’opérette et des voyous de fantaisie, il y a les films d’Olivier Marchal

Le film est passionnant sans cela, car il s’y déroule une vraie partie de poker dont on met un certain temps à identifier les joueurs, les bluffeurs, les tricheurs, et l’enjeu sur le tapis. Chacun a ses cartes et cherche à impressionner l’adversaire, à évaluer ce qu’il a dans son jeu, à soupeser l’ampleur de la partie. Certaines règles changent la nuit et d’autres pas comme le "donnant, donnant", une autorisation contre une information, par exemple. La frontière entre ce qui est bien et ce qui ne l’est pas est plus floue qu’en journée, et la distinction entre un flic ripoux et un incorruptible est plus mouvante. Une enveloppe attend régulièrement l’inspecteur Weiss, cela en fait-il un corrompu pour autant ? Ce n’est pas aussi définitif. Comme il le dit : "La nuit, c’est la vie à l’envers." Peuvent-ils comprendre cela, les types de l’IGS qui lui collent aux fesses ?

Soit une seule nuit, un peu humide, ce qui fait de jolis effets sur le pare-brise (Lefèbvre a-t-il vu le livre de Kiarostami), un peu longue avec sa mauvaise heure juste avant l’aube. Un peu trop remplie sans doute pour forcer la résolution au petit matin. Elle n’en reste pas moins passionnante car justement, elle trouve un équilibre entre documentaire et fiction. A la façon de "L627", de "Polisse", elle rend compte du quotidien d’un corps de police particulier dont on apprend qu’il est aussi chargé de délivrer les autorisations aux établissements nocturnes, de veiller en somme au réglage d’une soupape de la métropole. Un quotidien fait de multiples rencontres avec des personnalités atypiques : un vieux travelo, la tenancière de bar, l’empereur de la nuit, l’éboueur de "Paris s’éveille".

Roschdy Zem en impose en commandant Weiss. Un certain charme, un esprit vif, un œil déterminé, une face cachée, une lassitude qui rendent son personnage séduisant et complexe. En face, Sara Forestier est en contre-emploi, sobrissime. On ne le croirait pas mais ça lui va bien.

Philippe Lefèbvre signe un beau polar d’aujourd’hui, à la fois très atmosphérique, très documenté et très humain.

Réalisation : Philippe Lefèbvre. Production : Manuel Munz. Scénario : Simon Michael, Philippe Isard, Philippe Lefèbvre. Images : Jérôme Alméras. Avec : Roschdy Zem, Sara Forestier, Samuel Le Bihan, Grégory Fitoussi 1h40

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