Monsieur Plouc au Sénat
En comparant le chef-d’œuvre de Frank Capra "Mr Smith goes to Washington" (Mr Smith au Sénat) et "The Campaign" (Moi, député), on peut en somme observer ce qui a changé dans la politique, le cinéma, le jeu des acteurs, la société américaine depuis près de 75 ans.
Publié le 05-09-2012 à 04h15
En comparant le chef-d’œuvre de Frank Capra "Mr Smith goes to Washington" (Mr Smith au Sénat) et "The Campaign" (Moi, député), on peut en somme observer ce qui a changé dans la politique, le cinéma, le jeu des acteurs, la société américaine depuis près de 75 ans.
Commençons par la politique. Si on en croit les deux films, rien n’a fondamentalement changé. C’est toujours l’argent qui fait l’élection et ceux qui paient attendent leur retour sur investissement, le retour de l’ascenseur. Qu’on ferme les yeux sur la construction d’un barrage chez Capra, d’une usine aux normes chinoises chez Jay Roach. Dans les deux cas, on se sert de l’ignorance d’un individu qui n’appartient pas au sérail pour mettre au jour les rouages de la machine politicienne. Un sympathique naïf chez Capra, un balourd enthousiaste chez Roach.
L’état du cinéma, ensuite. L’élégance de la mise en scène de Frank Capra n’est plus qu’un souvenir. Jay Roach ne s’embarrasse pas d’architecture, le préfabriqué lui suffit. "No style" comme on disait "No future". Le jeu des acteurs a évolué aussi. Autant James Stewart jouait l’innocent, l’ingénu. Autant Zach Galifianakis surjoue le lourdaud et le rusé. Quant à l’adversaire, Will Ferrell, il appuie avec jubilation sur le cynisme et la langue de bois.
Toutefois, la différence qui saute vraiment aux yeux, c’est l’état mental de la population. Capra avait foi dans le peuple, dans ses boy-scouts, respirant la nature et l’idéalisme. Roach porte sur ses compatriotes un regard désenchanté. Les jeunes sont obèses, les femmes botoxées, les hommes lobotomisés. Cinquante années de lavage cathodique du cerveau ont dissous la matière grise, anéanti toute capacité de réflexion. Comment expliquer autrement l’élection - et pire -, la réélection de George Bush, le candidat parfait, la marionnette idéale actionnée par les milieux d’affaires qui en ont profité jusqu’à la crise?
Réalisation : Jay Roach. Scénario : Chris Henchy, Shawn Harwell, Adam McKay. Avec Will Ferrell, Zach Galifianakis, John Lithgow, Dan Aykroyd 1h25.