Oorlog is verk laard
Un cow-boy ! Il porte le Stetson, roule au volant d’un pick-up, joue du banjo, chante dans un band country, habite en pleine nature au milieu des prairies et des poules Entre Erpe-Mere et Kleine Brogel ?
Publié le 10-10-2012 à 04h15
Un cow-boy ! Il porte le Stetson, roule au volant d’un pick-up, joue du banjo, chante dans un band country, habite en pleine nature au milieu des prairies et des poules Entre Erpe-Mere et Kleine Brogel ?
Eh oui, il s’appelle Didier. Quand Elise le voit sur scène, chantant du bluegrass avec ses potes, elle est sous le charme. Mais quand elle découvre son ranch, c’est le coup de foudre. Elle ne lui trouve qu’un seul défaut : il refuse tout tatouage. Et elle, elle est couverte d’aigle, de moineaux, de fleur, de croix, de visage, de revolvers, de signes calligraphiques Entre eux, c’est la passion, le bonheur, l’extase, et voilà qu’un bébé s’annonce sans prévenir. De quoi donner un coup d’accélérateur aux travaux de rénovation.
Toutefois, on le sait dès la scène inaugurale, la vie ne fait pas de cadeau, un cancer attaque la petite de six ans.
"La guerre est déclarée" made in Flandre ? C’est, semble-t-il, le programme de Félix van Groeningen. Avec, comme caractéristique, le goût du réalisateur de "La merditude des choses" pour ceux qui vivent à la marge. Mais chez lui, elle n’est pas synonyme d’exclusion, plutôt une façon de vivre à côté de la race flamande chère au Feldmarschall Bourgeois dans sa littérature à l’intention des étrangers. C’est sans doute la réussite la plus subtile du film que de montrer la réalité de celui qui se sent, se vit comme un cow-boy, de montrer son horizon plus large que celui de ceux qui l’entourent. La fille apporte aussi un monde, à fleur de peau, celui du tatouage ainsi qu’un tempérament explosif.
On se dit que c’est donc l’histoire d’un couple atypique soumis à une épreuve ultra-violente. Ils ont un allié précieux : la musique. Elle peut se charger de transmettre, de communiquer, ce qu’on n’arrive pas à se dire. Et, notamment, les convictions de chacun sur la mort. Comment répondre aux questions d’une petite fille qui flirte avec elle, comment parler de ce qui se passe au-delà du miroir ?
On s’interroge beaucoup sur les thèmes, tant cette émotion prend à la gorge, au point de voir le réalisateur se protéger derrière la forme, derrière un soin extrême apporté à l’image, derrière une construction très sophistiquée. Celle-ci dessine la ligne du temps en boucles multiples et désamorce ainsi le suspense - l’enfant va-t-il mourir ? Le couple va-t-il craquer ? - pour se concentrer sur le trajet émotionnel des protagonistes du point A au point B, connus du spectateur.
Cette photographie léchée, cette structure virtuose confèrent au film une certaine artificialité qu’on ne trouvait par dans "La guerre est finie" sur les mêmes sujets : la mort d’un enfant, la désagrégation du couple. Ou plutôt si, Valérie Donzelli multipliait les audaces formelles, mais comme autant de tentatives désespérées et désordonnées de se battre avec la maladie. Ici, la forme sublime le drame, mais s’interpose parfois entre lui et le spectateur.
Si sa mise en scène est sans doute trop arty, la direction d’acteurs de Félix van Groeningen est, en revanche, phénoménale. Johan Heldenbergh, sorte de Kris Kristofferson flamand, est le personnage à 100 % dans toute son authenticité américaine, son paradoxe country, son intensité complexe. Décidément, il n’y a pas que Matthias Schoenaerts qui déborde de talent chez nos voisins. Veerle Baetens est aussi soufflante dans un rôle très rock’n’roll où elle peut développer une palette d’émotions exceptionnellement large. Au final, un mélodrame expressionniste.
Réalisation : Félix van Groeningen. Scénario : Felix van Groeningen et Carl Joos. Image : Ruben Impens. Avec Johan Heldenbergh, Veerle Baetens 1h51.