Le tsunami, et après
Papa, maman et leurs trois enfants débarquent à Phuket en Thaïlande pour une semaine de Noël de rêve. Le climat est divin, la plage paradisiaque, le réveillon aux bougies volantes un enchantement. Rien que des souvenirs impérissables, sans parler du passage du Père Noël sur la terrasse. Papa joue au ballon dans la piscine avec ses trois garçons pendant que maman termine ce vieux bouquin qui ne tient plus. Tiens, voila que le ballon avance tout seul maintenant. Et qu’une page du livre s’envole. Quel est ce bruit qui monte en puissance au point de faire tout trembler ?
Publié le 26-12-2012 à 04h15
Papa, maman et leurs trois enfants débarquent à Phuket en Thaïlande pour une semaine de Noël de rêve. Le climat est divin, la plage paradisiaque, le réveillon aux bougies volantes un enchantement. Rien que des souvenirs impérissables, sans parler du passage du Père Noël sur la terrasse. Papa joue au ballon dans la piscine avec ses trois garçons pendant que maman termine ce vieux bouquin qui ne tient plus. Tiens, voila que le ballon avance tout seul maintenant. Et qu’une page du livre s’envole. Quel est ce bruit qui monte en puissance au point de faire tout trembler ?
Tout le monde se souvient de ce 26 décembre 2004, des images à la télé, des explications en images de synthèse, des témoignages apocalyptiques, de la mobilisation de solidarité. Chacun dans son coin s’est imaginé ce que cela pouvait être. Mais ce n’est qu’une petite idée. Le cinéma à pleine puissance peut, lui, immerger le spectateur, lui faire ressentir plus intensément l’horreur de l’événement. Avec horreur, comme dans un film d’horreur. Les éléments sont tellement déchaînés, la vague tellement démesurée qu’elle renverse palmiers et poteaux électriques comme des cure-dents plantés dans le sable, emporte les voitures comme des jouets, charrie des millions d’objets démantibulés. Une mère et son fils sont comme des feuilles dans un torrent qui essaient de se rapprocher, de s’accrocher mais les morceaux de bois cassent les os, de fer tranchent les chairs. Et quand l’eau se retire, c’est la boue, la désolation et les cadavres.
Un haut-le-cœur surprend l’enfant en découvrant la jambe de sa maman, c’est l’horreur physique alors que l’horreur mentale a envahi tout un chacun, cette angoisse de ne pas savoir où se trouve le reste de la famille, de craindre forcément le pire.
Quasi inconnu chez nous, le réalisateur espagnol Juan Antonio Bayona ("L’Orphelinat") signe un film à l’américaine, stars comprises - l’Australienne Naomi Watts et le Britannique Ewan McGregor - pour raconter, au départ d’une famille, l’expérience du tsunami.
Il met en scène le destin des victimes avec un incroyable réalisme, s’appuyant autant sur le son que sur l’image. La vague n’est que le début, il y a aussi l’après : les blessures, le chaos, les familles éclatées, les hôpitaux pris d’assaut, les recherches aléatoires. Avec la même puissance, il communique les souffrances, les douleurs, les traumas, les angoisses.
Le cinéaste s’appuie sur une histoire vraie et pourtant il éprouve le besoin de consolider le témoignage hors normes avec des câbles scénaristiques tellement grossiers qu’ils provoquent l’effet contraire, le sentiment qu’on en remet une couche, qu’on crée de la tension artificiellement alors que les événements ne demandent pas qu’on en rajoute.
On lui pardonnerait, tant sa reconstitution est extrême, s’il ne succombait pas non plus à la tentation des violons. C’est un tsunami de sirop qui se déverse sur les images au point de les rendre écœurantes de sentimentalisme, de réduire cette épreuve à de la manipulation émotionnelle bas de gamme.
Dans une tangente poétique amorcée avec Géraldine Chaplin et des enfants parlant de la lumière parvenant d’étoiles dont on ignore si elles sont encore vivantes, Juan Antonio Bayona montrait pourtant que d’autres traitements étaient possibles. Surtout quand on peut compter sur des acteurs du calibre d’Ewan McGregor et de Naomi Watts, absolument hallucinante.
Réalisation : Juan Antonio Bayona. Scénario : Sergio G. Sánchez. Avec : Naomi Watts, Ewan McGregor 1h47.