En direct de Broadway
Le début fait peur. Un imposant galion est sur le flanc, et des centaines de bagnards tirent sur d’énormes câbles pour le remettre d’aplomb. Parmi les forçats, le 24601. Javert, le maton, l’a dans le nez. Pour lui, le 24601 sera toujours 24601, voleur un jour, voleur toujours, Jean Valjean n’existe plus.
Publié le 20-02-2013 à 04h15
Le début fait peur. Un imposant galion est sur le flanc, et des centaines de bagnards tirent sur d’énormes câbles pour le remettre d’aplomb. Parmi les forçats, le 24601. Javert, le maton, l’a dans le nez. Pour lui, le 24601 sera toujours 24601, voleur un jour, voleur toujours, Jean Valjean n’existe plus.
Hugh Jackman fait peur aussi en tirant la corde comme au théâtre. Mais c’est clairement le parti pris de Tom Hooper qui entend porter le célèbre musical à l’écran avec son énorme machinerie. C’est l’effet recherché: emmener le spectateur à Broadway. Le pari est risqué, car la convention du théâtre n’est pas celle du cinéma. Ce qui est impressionnant sur une scène peut vite devenir grotesque à l’écran, et le chant sur les planches peut vite s’avérer incongru sur une toile. Résultat, le pari n’est pas franchement réussi. "Les Misérables" tourne rapidement à la grosse production plus boursouflée que spectaculaire, d’autant que les trucages numériques renforcent la sensation de kitsch. La réalisation est toutefois traversée de fulgurances dans les extrêmes. Quand Tom Hooper cherche l’émotion sur le visage, en gros plan fixe, d’Anne Hattaway qui chante dans le dénuement. Ou, à l’opposé, dans une scène "hénaurme" quand le montage alterné des actions et des voix de Valjean, de Javert et des chœurs révolutionnaires crée un moment magique, images et mélodies se transcendant mutuellement comme à l’opéra. Mais ces moments sont rares, car Claude-Michel Schönberg n’est pas Verdi et que les acteurs-chanteurs ne sont pas toujours à la hauteur. Même si le directeur musical en tire parfois des effets sensibles à peu de frais dans le dépouillement, dans la note retenue, comme un sentiment en suspension. Toutefois, pour quelques authentiques moments de grâce, il faut supporter un mélo-musical lourdaud qui ne passe pas la toile, tant il confond épique et emphatique. Huit nominations pour cette meringue, cela dépasse l’entendement.
Réalisation: Tom Hooper. D’après l’œuvre de Claude-Michel Schönberg et Alain Boublil, inspirée de Victor Hugo. Avec Hugh Jackman, Russell Crowe, Anne Hathaway 2h30.