Joseph Gordon lévite

L’acteur dans le vent en profite et sort sa première réalisation : “Don Jon”.

Entretien: Bruno Fella
Joseph Gordon lévite
©AP

Le type est chaud boulette. Mieux encore, il est “hot”. Pantalon noir, chemise ajustée et “vous pouvez m’appeler Joseph, José, Giuseppe… Comme vous voulez” : charmant. Rencontre avec Joseph Gordon-Levitt de passage au récent Festival du film de Gand pour la sortie de son premier film “Don Jon” : l’histoire d’un tombeur qui ne prend son pied qu’avec son poignet.

C’est compliqué pour un acteur de monter son premier film ?

Bien sûr. C’est compliqué pour tout le monde, mais ça fait des années que je fais des courts ou de petites vidéos. Pour mon 21e anniversaire, je me suis offert une copie du logiciel de montage Final Cut. Je m’y suis mis tout seul et j’ai adoré. Et j’ai d’ailleurs quitté l’université à cette occasion…

Vous n’avez pas simplement réalisé “Don Jon”, vous en avez également écrit le scénario. Quelle est la part autobiographique du film ?

Disons que le propos est très personnel. Comme j’ai débuté ma carrière d’acteur très jeune, j’ai toujours fait particulièrement attention à l’impact que la télévision, les films, les médias en général ont sur nous tous, dans notre vie privée, amoureuse, sexuelle… C’est ce qui est à la base de ce film. Que l’on ait un couple avec un type qui mate du porno de façon maladive et une fille qui passe son temps à regarder des comédies romantiques hollywoodiennes, j’ai pensé que ce serait une façon marrante de parler de la manière dont les médias peuvent parfois nous donner des attentes irréalistes.

Comment en êtes-vous arrivé à en faire une comédie ?

D’abord, je crois parfois que la meilleure façon de dire quelque chose de substantiel, de faire passer un message, c’est via l’humour. Il y a beaucoup d’exemples, comme “Le Docteur Folamour” de Kubrick, l’un de mes films préférés…

“50/50”…

Oui, d’ailleurs, c’est quand je tournais “50/50” (2011) de Jonathan Levine à Vancouver avec le comédien Seth Rogen et ses potes que j’ai eu le déclic. J’avais ce concept du type bas de plafond qui se gorge de porno et de cette princesse qui regarde un tas de comédies romantiques. Ça faisait longtemps que je cherchais comment l’articuler dans un film. Et là, ça m’est venu : en faire une comédie un peu comme celles de Hal Ashby (“Shampoo”, “Bienvenue, Mister Chance”…)

Qu’avez-vous appris des réalisateurs que vous avez côtoyés précédemment ?

J’ai eu beaucoup de chance. L’année précédant le tournage de “Don Jon”, j’ai travaillé avec Rian Johnson sur “Looper”, Christopher Nolan sur “The Dark Knight Rises” et Steven Spielberg sur “Lincoln”. Et j’ai remarqué qu’ils avaient tous ce point commun : ils savaient trouver l’équilibre entre s’en tenir à un plan très précis et laisser place à l’improvisation. Parce que, chaque jour, quand on est réalisateur, on est confronté à cette problématique. J’ai vu Rian, Christopher et Steven résoudre ce dilemme à longueur de temps. Si vous êtes marié à votre plan, le film va manquer de vie. Si on se laisse emporter par de nouvelles idées, le film risque de manquer de continuité. Sur “Lincoln”, Spielberg avait une idée très précise de comment il allait filmer, mais il travaillait avec un acteur très spontané, Daniel Day Lewis. Et c’était incroyable la façon dont Steven pouvait s’ajuster très rapidement à ce qu’imaginait Daniel ou, au contraire, insister pour que la scène soit tournée comme il l’avait imaginée. Cette gestion dans un film est cruciale.

Y a-t-il des différences entre le film que vous aviez prévu, imaginé, et celui que l’on voit sur les écrans ?

Pour être honnête, ils ne sont pas très éloignés… Mais le résultat final est bien meilleur. Il y a la contribution de toute l’équipe, mais surtout des acteurs qui ont chacun apporté un petit quelque chose. Comme cette scène, juste avant que je ne présente le personnage de Scarlett Johansson à mes parents, c’était écrit qu’on devait juste passer la porte d’entrée. Mais comme on avait un peu de temps, on a décidé de tourner l’arrivée, de la voiture à la porte d’entrée. Rien n’était écrit. Il fallait tout inventer. Scarlett a eu cette idée géniale de jouer la nerveuse, alors que son personnage est une femme forte tout le long du film : elle ne sait pas si elle doit enlever sa veste, elle trépigne sur le pas de la porte… C’est un exemple de ces petits détails que je n’aurais jamais pu imaginer et qui donnent une vraie impression de réalité.

Un lobby italo-américain a accusé le film de véhiculer des stéréotypes racistes. Tandis qu’une organisation conservatrice américaine a promu votre film comme étant le plus porno de la rentrée… C’est la rançon du succès ?

Je suppose… Ce lobby italo-américain avait déjà dit la même chose de la série “Les Sopranos” et il a eu ce qu’il voulait : se faire de la pub. Ce film ne va pas plaire à tout le monde. Il n’est pas… Il est gonflé. Il dit des choses provocantes. Mais ce sont ces films-là que je préfère. Ceux de Paul Thomas Anderson, des frères Coen, Hal Ashby… Là où c’est un peu subversif. Donc oui, de ce point de vue, c’est peut-être la rançon du succès.

Joseph Gordon-Levitt enchaîne devant et derrière la caméra dans “Don Jon”.


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