"Philomena" : À la recherche du fils
Stephen Frears et Steve Coogan entre rire et larmes, pour évoquer le passé douloureux de l’Irlande.
- Publié le 08-01-2014 à 05h39
- Mis à jour le 08-01-2014 à 14h05
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Inspiré du livre du journaliste anglais (et ancien spin doctor de l’administration Blair) Martin Sixsmith "The Lost Child of Philomena Lee", paru en 2009, "Philomena" retrace l’enquête qu’il mena avec Philomena Lee pour retrouver le fils de cette dernière. Adolescente dans l’Irlande du début des années 50, la jeune fille fut placée au couvent après s’être retrouvée enceinte. Condamnée par les sœurs à travailler à la laverie, elle n’a droit à voir son fils qu’une heure par jour. Avant que celui-ci ne soit adopté par une riche famille… Cinquante ans plus tard, Philomena décide de partir à sa recherche, financée par un éditeur qui souhaite publier son histoire. En compagnie de Sixsmith, elle se lance dans un voyage intime la mènera de l’Irlande à Washington.
La situation n’est évidemment pas propre à l’Irlande des années 50. Sinon qu’elle est pire ici dans la mesure où les enfants n’étaient pas seulement proposés à l’adoption, ils étaient vendus à de riches Américains pour… 1 000 livres sterling. On apprend par exemple au passage que l’actrice hollywoodienne Jane Russel fut l’une de ces mères adoptives…
Inspiré d’une histoire vraie, le sujet est sensible. L’écueil serait de signer un film trop larmoyant. On peut compter sur Stephen Frears, le cinéaste de "The Queen" ou de "The Snapper" pour éviter cet écueil. Mais aussi sur une tonalité toute particulière apportée par Steve Coogan. L’acteur anglais ne joue pas seulement le premier rôle aux côtés de Judi Dench, il est également producteur et coscénariste du film.
Comme toujours brillant dans son rôle d’Anglais cynique, il apporte la distance nécessaire pour que le film ne sombre pas dans la sensiblerie. Athée impénitent, son personnage ne conçoit pas la bienveillance de la vieille dame pour l’institution catholique qui lui a brisé le cœur en lui volant son enfant. Il rage contre cette délectation de la douleur de l’Eglise, cette vision malsaine de la sexualité qui a mené la charité chrétienne à priver de jeunes mères de leurs enfants.
Avec Judi Dench, Steve Coogan forme un couple forcément mal assorti, entre la vieille dame des classes populaires et le journaliste sorti d’Oxford. Comique, leur duo fonctionne à merveille, donnant à "Philomena" un petit parfum de "buddy movie" qui permet au film de garder une réelle légèreté, en contrepoids à son histoire tragique. Frears et Coogan ne le cachent pas : ils ne sont pas friands de "ces histoires humaines" tout juste bonnes à émouvoir les classes populaires. Pourtant, ils ont été touchés par le destin de Philomena et s’attachent à rendre justice à cette vieille dame pour qui le pardon vaut mieux que la colère. Une humilité qui confère toute sa puissance à un film exemplaire de tenue et d’équilibre..