"Captain America": Blockbuster paranoïaque

Trop d’action tue l’action malgré de bonnes intentions.

Alain Lorfèvre
"Captain America": Blockbuster paranoïaque

Le printemps est là, l’été approche. Et selon le calendrier hollywoodien en vigueur depuis dix ans, c’est la saison où éclosent les superhéros. Disney ayant racheté la Marvel, maison-mère de Spider-Man, Iron Man, Thor et autres X-Men, il revient désormais au studio d’ouvrir le bal.

Revoilà, bon boy-scout aux valeurs old school, Captain America, paumé dans le monde du XXIe siècle où même les soldats de la démocratie portent les uniformes noirs des SS qu’il combattit jadis. Steve Rogers ne sait plus s’il doit faire confiance à Nick Fury, patron du SHIELD, force mondiale de contre-terrorisme, qui va bientôt lâcher dans le ciel quatre porte-avions volants et hightech capables de cibler et d’éliminer simultanément 200 000 criminels ou terroristes en puissance. Est-ce bien moral ? Mais quand Fury est victime d’un attentat, Cap’ se retrouve traqué par le SHIELD, qui le soupçonne de détenir des informations sensibles.

Le conseil de Fury, "Trust no one" ("Ne faites confiance à personne" ), résume la paranoïa qui mine la démocratie américaine depuis un certain 11septembre. Car ce "Winter Soldier" respire bien l’air du temps, entre espionnage de la NSA et frappes préventives (et massives) de drones. Les scénaristes Christopher Markus et Stephen McFeely flirtent un instant avec le film de superhéros intelligent - du niveau des meilleurs opus signés sur papier par Brian Michael Bendis ou Ed Brubaker. A la réalisation, les frères Anthony et Joe Russo tentent de donner un peu de temps aux personnages pour exister - au profit notable de Scarlett Johansson qui fait un peu plus que de la figuration cette fois.

Efficaces dans l’action quand ils préfèrent le physique au pyrotechnique (mention à la scène de l’ascenseur), les jumeaux sont rattrapés par l’industrie qui impose sa loi, son manichéisme et sa structure prémâchée, jusqu’à une demi-heure de baston finale en tous points identique au morceau de bravoure central de "The Avengers".

"I’m so fired !" ("Je suis saqué !" ) s’exclame Stan Lee, scénariste vétéran de la Marvel, dans son caméo en gardien de musée découvrant qu’on a volé l’uniforme originel de Captain America. Dont acte : Hollywood a pillé ses atours.

Réalisation : Anthony et Joe Russo. Avec : Chris Evans, Scarlett Johansson, Samuel L. Jackson,… 2h16


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