"Joe": Les bas-fonds de l’Amérique
Nicolas Cage retrouve un vrai rôle dans un polar texan poisseux qui en dit long sur l’Amérique contemporaine.
Publié le 30-04-2014 à 09h04
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Nicolas Cage retrouve un vrai rôle dans un polar texan poisseux qui en dit long sur l’Amérique contemporaine.Dans un bled perdu du Texas, l’ex-taulard Joe Ransom (Nicolas Cage) tente d’oublier son passé trouble en menant la vie de Monsieur Tout-le-monde : la journée, il travaille pour une société forestière ; la nuit, il boit. Quand Gary (Tye Sheridan, découvert dans "Mud") débarque en ville, il ne peut s’empêcher de le prendre sous son aile, ému par ce gamin de 15 ans désespérément à la recherche d’un boulot pour nourrir sa famille. En quête de rédemption, Joe voit là l’occasion d’expier ses péchés et de devenir, pour une fois dans sa vie, important aux yeux de quelqu’un. Tandis que le jeune garçon voit en ce paumé au grand cœur le père qu’il aurait aimé avoir…
Après s’être fait connaître du grand public en réalisant "Delire Express", comédie hollywoodienne décalée avec Seth Rogen et James Franco, ou encore le bas de gamme "Babysitter malgré lui" avec Jonah Hill, David Gordon Green change de style en s’essayant avec bonheur au drame poisseux. Adaptant un roman de Larry Brown, le jeune réalisateur américain signe un drame lourd, inscrit dans le Sud misérable. Celui que décrivaient déjà Jeff Nichols dans "Mud" ou William Friedkin dans "Killer Joe", deux autres films exemplaires de cette capacité du cinéma hollywoodien à regarder en face l’état de la société américaine.
A travers cette histoire classique de filiation, David Gordon Green livre un polar sombre, parfois un peu appuyé (dans son récit et dans le jeu de Nicolas Cage). Le cinéaste dépeint surtout une Amérique à mille lieux des clichés hollywoodiens. L’Amérique de la détresse sociale où, en dehors de l’alcool, les cigarettes et les prostituées, il ne semble plus exister de salut. "Joe" nous donne en effet à voir des êtres déshumanisés, réduits au rang d’animaux aux besoins primaires : manger, boire, baiser. Le film décrit un monde sordide, où la violence et l’exploitation sont devenues les seuls modes de communication.
En mettant en scène les exclus du rêve américain, "Joe" dresse un portrait implacable du recul de la civilisation aux Etats-Unis. Ce que l’on découvre ici, c’est une société cauchemardesque, empoissonnée par le fric. Pour illustrer cela, Green trouve une métaphore géniale, celle de ces arbres que l’on empoisonne d’abord avant de les abattre. Une image criante de vérité de l’Amérique actuelle, où les êtres sont pervertis par l’idéologie ambiante pour être plus facilement courbés par le système financier…
Réalisation : David Gordon Green. Scénario : Gary Hawkins (d’après le roman de Larry Brown). Photo : Tim Orr. Musique : Jeff McIlwain. Avec Nicolas Cage, Tye Sheridan, Gary Poulter… 1 h 58.