Jean-Michel Vlaeminckx, arpenteur du cinéma belge
Le photographe et critique de cinéma de Cinergie, collaborateur de La Libre Culture, est décédé à l'âge de 71 ans. Alain Lorfèvre lui rend hommage.
Publié le 06-07-2014 à 11h28 - Mis à jour le 06-07-2014 à 11h29
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Un hommage d'Alain Lorfèvre.
Notre confrère, le critique de cinéma Jean-Michel Vlaeminckx a éteint le projecteur, terrassé par une crise cardiaque le 1er juillet alors qu'il était en voyage en Indonésie avec son épouse.
Tous les professionnels belges du cinéma connaissaient les touffes désormais blanches de sa barbe et de sa tignasse en bataille. Les lecteurs assidus de La Libre Culture étaient familiers de sa signature, sous les "News de Cinergie" dans nos pages.
Cinergie, c'était sa vie et le vecteur de sa passion depuis un quart de siècle. Avec sa collègue Dimitra Bouras, il incarnait l'âme de cette revue cinéphile et belgophile. Anciennement imprimée, elle fut une des premières à opérer la migration totale sur le web à la fin des années 1990 et fut pionnière dans la production d'entretiens filmés et diffusés en ligne.
A son corps défendant, Jean-Michel Vlaeminckx correspondait au cliché du réalisateur "manqué". Né en 1943, il rêvait de réalisation de puis l'âge de 16 ans. Entré à l'IAD dans le but de devenir réalisateur, mais s'en était fait expulser suite à une anecdote qu'il se plaisait à rappeler au cinéaste Richard Olivier dans un portrait filmé que ce dernier lui a consacré : "Nous étions en mai 68 et j'avais "emprunté" la seule et unique caméra Arriflex de l'école pour filmer une manif estudiantine. Les flics m'ont arrêté et ont endommagé la caméra en l'ouvrant. elle a dû être envoyée en Allemagne pour réparation. Conclusion, les étudiants n'ont pas eu de caméra à leur disposition pendant dix longs mois, et moi j'ai dû vider les lieux."
L'impétrant cinéaste était retombé sur ses pattes en devenant photographe, arpentant les plateaux de tournage en Belgique et en France. Il rencontra les plus grands et vendit ses clichés aux magazines et journaux. De fil en aiguille, il en vint à écrire sur le cinéma, interviewant tout au long d'une riche carrière cinéastes, comédiens et techniciens, car Jean-Michel Vlaeminckx n'aimait rient tant que révéler les anonymes du cinéma, ceux qui en font l'éclat en restant dans l'ombre.
Ardent défenseur du cinéma belge, il s'en faisait le porte-parole, contre vents et marées. Il avait suivi les débuts sur la Croisette cannoise de la génération "C'est arrivé près de chez vous" (Rémy Belvaux, André Bonzel, Benoît Poelvoorde, Vincent Tavier), accompagné les débuts difficiles des Dardenne, fut un des premiers supporters de Jaco Van Dormael...
Ne négligeant aucun format ni aucun genre (avec un amour particulier pour le documentaire), Jean-Michel Vlaeminckx et l'équipe de Cinergie - sa famille professionnelle qu'il aimait tant - ont souvent été les premiers à écrire sur de jeunes cinéastes et comédiens, à l'occasion de leurs premières œuvres, film de fin d'étude ou court métrage professionnel. Nombreux sont ceux qui lui doivent un premier article, une première (longue) interview et, partant, un premier encouragement.
Si Jean-Michel Vlaeminckx avait ses coups de coeur (et -rares- coups de sang) et ses préférences, il ne transigeait pas, défendant avant tout l'intégrité du métier de critique et des œuvres cinématographiques face au raz-de-marée du cinéma commercial. "Il me semble que la propagande donc la réclame cela se paie. Le point de vue [du critique] lui, est non payant" rappelait-il pertinemment dans un courrier à l'Union de la presse cinématographique belge (UPCB) dont il était membre..On pouvait ne pas partager ses opinions ou ses analyses, dont il discutait volontiers, mais sa sincérité et son professionnalisme forçaient le respect.
L'admiration, aussi : l'homme avait ébloui par deux fois ses proches et ses confrères, surmontant à l'âge de le retraite un cancer, d'abord, et un AVC, ensuite, pour, à chaque fois, reprendre le flambeau et repartir dans les salles et sur les tournages.
Avec Jean-Michel, c'est une mémoire précieuse des quarante dernières années du cinéma belge qui s'éteint. Il nous reste ses écrits pour nous en souvenir. Et l'image de son éternel sourire pour les illuminer.
Alain Lorfèvre
La rédaction de La Libre Culture présente à la famille de Jean-Michel et à toute l'équipe de Cinergie leurs sincères et affectueuses condoléances.
Hommage et livre ouvert en ligne: http://www.cinergie.be/webzine/livre_d_hommage