"Un petit boulot" : Comédie jubilatoire qui dézingue l’inhumanité d’une société contemporaine financiarisée

Une comédie noire posthume de Pascal Chaumeil, sur un scénario de Michel Blanc.

Hubert Heyrendt

Une comédie noire posthume de Pascal Chaumeil, sur un scénario de Michel Blanc.Ouvrier au chômage suite à la fermeture de son usine, Jacques traîne avec ses potes Jeff et Tom au bistrot à descendre des Chimay. Un jour, Gardot, le malfrat local, l’approche : "Je veux que tu tues ma femme. C’est une offre d’emploi. C’est rare dans la région…" Coincé dans ses problèmes financiers et en demandeur d’emploi consciencieux, le pauvre type va passer du statut de chômeur anonyme à celui de tueur à gages, tout en tentant de conserver une forme d’honnêteté dans son nouveau métier. D’autant qu’il se découvre un certain talent dans l’art d’occire sans se faire remarquer…

Juste avant sa mort en août 2015, Pascal Chaumeil mettait la dernière main à cette ultime comédie, où il retrouvait Romain Duris cinq ans après le succès de "L’Arnacœur". Cheveux et barbe en bataille, l’acteur incarne ici un exclu de l’économie bien décidé à prendre sa revanche !

Rythmée, bien qu’un poil répétitive, "Un petit boulot" est une comédie noire réjouissante, au scénario signé Michel Blanc, qui campe ici l’employeur mafieux. Quel bonheur de retrouver sa petite musique, trop rare au cinéma, ces dialogues ciselés qui claquent et font mouche. Et cette ironie noire qui prend le contre-pied de la bienséance pour mettre en scène la dérive d’une société du chacun pour soi poussé à l’absurde, où on se débarrasse de ses concurrents au sens le plus littéral du terme. Quoique, dans l’esprit de ces personnages dans la dèche, assassiner un directeur des ressources humaines inhumain est une forme de justice, face à l’humiliation subie de la part d’un homme payé pour casser la vie des gens (Alex Lutz, génial en petit chef imbu de son petit pouvoir)…

Porté par un humour corrosif autant que par une vision désenchantée, "Un petit boulot" est une comédie jubilatoire, qui dézingue sans en avoir l’air l’inhumanité d’une société contemporaine financiarisée, qui a transformé l’homme en homo economicus tout juste bon à jeter lorsqu’il a cessé d’être rentable. "L’économie, ce n’est que de la douleur, de la tricherie et du mensonge. J’ai envie de creuser mon trou là-dedans", déclare le chômeur au rebut, qui a bien compris que dans le monde qui est le nôtre, l’immoralité est une vertu et l’honnêteté un concept désuet.

Mais l’écriture de Michel Blanc et la mise en scène efficace de Pascal Chaumeil ne seraient rien sans un casting de choix. Où l’on croise un Gustave Kervern en terrain connu, en prolo au bout du rouleau, mais aussi une belle brochette de comédiens belges - tax shelter oblige -, dont les savoureux Charlie Dupont et Philippe Grand’Henry.

"Un petit boulot" : Comédie jubilatoire qui dézingue l’inhumanité d’une société contemporaine financiarisée
©IPM

Réalisation : Pascal Chaumeil. Scénario : Michel Blanc (d’après le roman d’Iain Lewison). Photographie : Manu Dacosse. Musique : Mathieu Lamboley. Montage : Sylvie Landra. Avec Romain Duris, Michel Blanc, Alex Lutz, Gustave Kervern, Charlie Dupont, Alice Belaïdi… 1 h 40.

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