Mostra de Venise: Chazelle ressuscite la comédie musicale

Présenté mercredi soir en ouverture, "La La Land" a lancé en fanfare la 73e Mostra.

Hubert Heyrendt Envoyé spécial à Venise
US actress Emma Stone poses during the photocall of the movie "La la Land" presented in competition at the 73rd Venice Film Festival, on August 31, 2016 at Venice Lido.
US actress Emma Stone poses during the photocall of the movie "La la Land" presented in competition at the 73rd Venice Film Festival, on August 31, 2016 at Venice Lido. ©AFP

Mercredi aux petites heures, une poignée de jeunes filles se réveillaient dans leurs sacs de couchage installés devant le ponton de l’hôtel Excelsior. Si elles avaient passé la nuit là, c’était dans l’espoir d’apercevoir le bateau amenant sur le Lido le beau Ryan Gosling, à l’affiche de "La La Land", qui faisait hier soir l’ouverture de la 73e Mostra del cinema. Pas de chance, l’acteur n’avait pas fait le déplacement à Venise, laissant le soin à la pétillante Emma Stone d’offrir un peu de glamour sur le tapis rouge de la Sala grande…

Hommage à Hollywood

Découvert en 2014 avec son premier film "Whiplash", qui contait la relation sado-masochiste entre un jeune batteur de jazz et son prof tortionnaire, Damien Chazelle reste dans l’univers de la musique avec ce second long-métrage, hommage flamboyant à la comédie musicale.

Le jeune réalisateur de 31 ans ne cache pas son amour pour le Technicolor, pour les claquettes, pour cet artifice qui fait le charme des classiques musicaux hollywoodiens comme "Chantons sous la pluie". "Je pense qu’aujourd’hui plus que jamais, nous avons besoin d’espoir, d’amour, de sentiments à l’écran. Le cinéma est un langage où le rire et les émotions peuvent enfreindre les règles de la réalité", professait hier en conférence de presse le cinéaste, très applaudi par la presse internationale.

Chazelle refuse pour autant de signer un film poussiéreux, qui ne serait qu’ "à la manière de". "La La Land" s’inscrit en effet vigoureusement dans les rues du Los Angeles d’aujourd’hui, où flottent encore les fantômes du passé. "Nous devons nous interroger sur ce qui est contemporain, réfléchit Chazelle. J’ai été influencé par des films que j’ai adorés, même s’ils ont été tournés avant ma naissance. Après, la dimension contemporaine est importante. Il ne faut pas que ce soient des choses révolutionnaires, juste ce qu’on voit en marchant dans la rue, des expériences ou des déceptions que l’on a pu avoir par le passé. J’essaye toujours de réaliser quelque chose avec un élément personnel. C’est présent dans chacune des scènes."

Musicien lui-même, Chazelle a écrit son scénario en étroite collaboration avec son compositeur attitré Justin Hurwitz (qui signe une partition époustouflante) : "La musique fera toujours partie de moi. Même quand il n’y a pas de chanson à l’écran, je voulais faire en sorte que cela donne l’impression de musique. Quand Ryan et Emma parlent, le rythme du dialogue doit donner l’idée de la musique."

Refuser le cynisme contemporain

Si Ryan Gosling et Emma Stone ne sont pas les meilleurs danseurs, les meilleurs chanteurs, leur bonheur à se glisser dans les pas de Gene Kelly et de Debbie Reynolds est communicatif. Ils campent avec bonheur ce pianiste prétentieux sans le sou et cette apprentie comédienne qui, tombant amoureux, cherchent tous deux à poursuivre leur rêve : devenir une star pour elle, ouvrir son club de jazz pour lui.

Si le thème de "La La Land" est volontairement classique, c’est pour montrer combien peut encore être belle une histoire simple, qui refuse toute ironie. Au-delà du fait qu’elle adore la comédie musicale, c’est cela qui a plu à Emma Stone : "Il faut refuser le cynisme ! Ce film n’est absolument pas cynique. Il a au contraire une dimension onirique, alors que les jeunes aujourd’hui sont toujours cyniques, ironiques. C’était une joie de faire ce film pour leurs montrer qu’il faut travailler durement pour réaliser ses rêves."

Nostalgie d’un art perdu ?

Dans son film, Chazelle met en parallèle le destin du jazz et du cinéma, des arts qui semblent se mourir doucement sous les assauts de la modernité. Comme ses personnages, le metteur en scène refuse pourtant cette mort ! "La La Land" est au contraire un geste artistique destiné à démontrer la pertinence de la comédie musicale. "Ce sont des films hors du temps, dont j’adore la simplicité ! Comment justifier le fait de refaire une comédie musicale aujourd’hui ? En revenant justement à la tradition de la comédie musicale, en cherchant à dire les choses le plus simplement du monde. Comme j’ai essayé de le faire ici."

Traversée par une grande mélancolie et un amour fervent du 7e Art, l’oeuvre de Damien Chazelle a redonné aux festivaliers vénitiens l’envie de croire encore dans la puissance d’un cinéma à la fois exigeant et populaire. Exactement celui que le directeur du festival Alberto Barbera s’est donné comme mission de défendre cette année. Il ne pouvait rêver meilleur film d’ouverture !

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