"La Taularde" : Sophie Marceau la tête contre les murs

Un film de prison et de femmes âpre et juste, signé Audrey Estrougo. Sophie Marceau, comme on ne l’attendait plus, au cœur d’un casting remarquable.

Alain Lorfèvre

Un film de prison et de femmes âpre et juste, signé Audrey Estrougo. Sophie Marceau, comme on ne l’attendait plus, au cœur d’un casting remarquable.Dès l’ouverture du film, Mathilde est dépouillée de son intégrité. "Déshabille-toi", lui lance sèchement la gardienne. Le cadre ne laisse aucun doute : Mathilde entre en prison. Sa mise à l’écrou est justifiée parce qu’elle a aidé son compagnon, un activiste d’extrême-gauche, à s’évader. Refusant de collaborer avec la police, elle encourt une peine de deux ans. A l’intérieur, cette institutrice découvre un univers refermé sur lui-même, au propre comme au figuré.

Avec ce rôle inattendu, Sophie Marceau se libère des comédies romantiques dans lesquelles elle s’enfermait depuis des années. Force est de reconnaître qu’elle est totalement convaincante dans la détresse mêlée de ténacité de son personnage. Amaigrie, les traits tirés, le regard parfois vide ou absent, Sophie Marceau nous rappelle qu’elle a du métier.

Il est plus que probable que sans la comédienne la plus bankable de France, ce troisième long métrage d’Audrey Estrougo n’aurait pas été financé. "La Taularde" s’inscrit dans la continuité de ses deux œuvres précédentes, "Une histoire banale" et "Toi, moi, les autres", deux films déjà très féminins - on évitera le réducteur "féministe" - et offrant à travers leur dramaturgie une observation avisée de situations dramatiques.

Tout film de prison a ses codes, et "La Taularde" ne fait pas exception : les visites, les trafics, les règlements de comptes, le mitard, les poussées de fièvre. Mais la mise en scène et le scénario se détachent. Si le récit suit le parcours de Mathilde, elle est moins actrice que spectatrice de ce qui se déroule autour d’elle, même si, par la force des choses, elle ne peut faire autrement qu’y prendre part.

On créditera la réalisatrice Audrey Estrougro et sa coscénariste Agnès Caffin d’avoir évité le piège de l’édification, où l’institutrice gauchiste aurait rétabli l’ordre social et humain à l’intérieur des murs, assénant grands discours et leçon de morale ou de droit. Comme le lui rappelle la surveillante en chef, le système est plus fort que Mathilde. Mathilde n’est pas seulement privée de sa liberté. Elle est bel et bien captive d’un système qui la dépasse.

D’autres personnages et comédiennes prennent leur place aux côtés de la star, et font jeu égal avec elle. La matone sèche, voire inhumaine (Marie-Sohna Condé). La débonnaire (Carole Franck). La brutale qui ne vaut guère mieux que celles qu’elle surveille (Naidra Ayadi). La débutante trop gentille qui n’est pas à sa place (Marie Denarnaud). La voisine de cellule menaçante (Eye Haidar, une révélation). La détenue magouilleuse (Anne Le Ny, toujours parfaite). La bande de comparses (Suzanne Clément, Alice Belaïdi, Pauline Burlet).

Si les caractérisations sont parfois attendues ou convenues - et si le point d’orgue peut sembler un brin forcé - "La Taularde" n’en est pas moins une œuvre qui tient sa ligne avec constance et rigueur.

"La Taularde" : Sophie Marceau la tête contre les murs
©IPM

Réalisation : Audrey Estrougo. Avec Sophie Marceau, Suzanne Clément, Anne Le Ny, Eye Haidara, Marie-Sohna Condé,… 1h40

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