"Everybody Happy" : Attention burn-out

Avec intensité et humour, Nic Balthazar plonge dans la tête d’une victime

Fernand Denis
"Everybody Happy" : Attention burn-out
©KFD

Avec intensité et humour, Nic Balthazar plonge dans la tête d’une victimeNic Balthazar aime les sujets lourds. De société comme on dit dans les rédactions. Dans une autre vie, il a été journaliste. "Ben X", son premier film traitait de l’autisme. Le deuxième, "Tot Altijd", de l’euthanasie. Voila, le troisième sur le burn-out, même si son titre est "Everybody happy".

C’est que Hartman, le personnage principal, est un comique. Un comique de métier. La tête d’affiche du "Comedy Cruise" qui fait le tour de Flandre de toutes les salles, s’arrête une fois par an dans le studio de la tévééé. Hartman a un numéro qui marche toujours, celui d’un alcoolique, une pintje dans une main, une pintje dans l’autre pour garder l’équilibre. Et même, s’il rafraîchit le sketch de temps en temps, ça commence à le saouler.

Alors que le public rit toujours de bon cœur, le regard de l’humoriste est hypnotisé par une seule personne, un jeune homme barbu, toujours le même, qui ne rit pas, qui soupire plutôt. Et ce barbu le suit partout, au restaurant, dans la camionnette, dans sa chambre d’hôtel. En coulisses, il lui dit que sa saynète est usée. Au restaurant, il lui fait tellement de commentaires, qu’il n’entend plus ses collègues. Dans sa chambre, il se moque de lui quand il lit les commentaires sur son site ou lorsqu’il essaie de téléphoner à son fils qui ne répond jamais.

Ce barbu, on l’aura compris, c’est sa voix intérieure qui, en toutes circonstances, lui dit : non ton verre n’est pas à moitié plein, il est carrément vite.

Le sujet n’est pas joyeux mais Nic Balthazar a d’abord trouvé la parade pour dribbler la sinistrose. Il met en scène une bande de comiques et peut multiplier les vannes tout en assurant un climat morose dès que le rideau tombe.

Ensuite, il exploite massivement une de ses qualités, le sens de la métaphore. Comme le dit si bien son manager : "Hartman c’est le genre de gars à beurrer sa tartine recto verso pour être sûr qu’elle tombera du mauvais côté". Un dessin sur une vitre embuée, des phares qu’on éteint pour ne plus voir la route, ce barbu qui ne le lâche plus; chez Balthazar, tout est bon pour créer un deuxième niveau permanent.

Puis, arrivé à son troisième film, Nic Balthazar maîtrise mieux la mise en scène. Il a compris qu’il ne s’agissait pas d’en mettre plein de la vue, d’imposer sa présence mais de trouver la forme adéquate. Soit une caméra à fleur de peau, invisiblement instable. Hartman essaie de cacher son malaise mais tout le monde le voit. La lumière est toujours sombre, même en plein jour, comme s’il vivait à l’ombre en permanence.

Enfin, il sait diriger ses acteurs. Josse de Pauw est phénoménal, Barbara Sarafian est aussi virtuose ici qu’elle était agaçante dans "Vincent". Quant à Peter Van Den Begin, il s’est imposé "King of the Belgians" en 2 films.

Fluide, tendu, touchant, flamand et universel; "Everybody Happy" visualise ce qui se passe dans la tête d’une victime d’un burn-out tout en livrant le point de vue de son réalisateur : "On devrait s’écouter soi-même un peu moins".

"Everybody Happy" : Attention burn-out
©IPM

Réalisateur, scénario : Nic Balthazar. Production : Peter Bouckaert. Avec Peter Van Den Begin, Barbara Sarafian, Josse De Pauw… 1h33

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