"La La Land" : Voici la critique de "La Libre"
Publié le 25-01-2017 à 09h32 - Mis à jour le 25-01-2017 à 09h40
Ryan Gosling et Emma Stone, rayonnants et touchants dans un drame musical favori aux Oscars.
"La La Land" s’ouvre sur un vrai morceau de bravoure, un grand numéro tourné en plan-séquence dans un embouteillage sur une autoroute urbaine de Los Angeles. Il fait beau, les gens sortent de leurs voitures, se mettent à chanter avec entrain "Another Day of Sun" et à danser sur les capots. Un pur moment de bonheur cinématographique qui a provoqué un tonnerre d’applaudissements en ouverture de la Mostra de Venise en août dernier. Dans la salle, on pouvait sentir chaque spectateur vibrer de plaisir, tout à la joie de retrouver enfin sur grand écran une grande comédie musicale !
Dans l’embouteillage, on croise Sebastian (Ryan Gosling), jeune pianiste de jazz aussi doué que prétentieux, klaxonnant vertement contre la voiture d’une apprentie actrice (Emma Stone). Et c’est parti pour plus de deux heures d’une comédie musicale vive et nostalgique, construite sur cinq saisons dans la vie d’un couple et de Los Angeles.
Applaudi en 2014 dès son premier film "Whiplash", qui contait la relation sadomasochiste qui se nouait entre un jeune batteur de jazz talentueux et son prof tortionnaire, Damien Chazelle reste dans l’univers de la musique avec "La La Land". Et si Ryan Gosling et Emma Stone ne sont pas les meilleurs danseurs, les meilleurs chanteurs, leur bonheur à se glisser dans les pas de Fred Astaire ou Ginger Rogers est communicatif ! Le premier compense par un charisme ravageur, la seconde, épatante, par sa grâce naturelle, où se mêle spontanéité et fragilité.
Chazelle ne cache pas son amour du Technicolor, artifice typique de l’âge d’or hollywoodien, et livre un superbe hommage à la comédie musicale américaine mais aussi française. Car il y a pas mal de Michel Legrand dans la partition enlevée de Justin Hurwitz et beaucoup de Jacques Demy dans la façon dont le jeune cinéaste de 32 ans parvient à "faire danser la vie".
A mesure que progresse "La La Land", la tonalité se fait plus nostalgique. L’auteur de "Whiplash" met en effet en parallèle le déclin du jazz et du cinéma, dépassés par la pop ou le home-cinéma… Son film, Chazelle le conçoit donc comme un geste artistique fort. Grâce à une mise en scène brillantissime, le réalisateur surdoué crie son amour du jazz, de la musique, du cinéma, d’Hollywood, de Los Angeles. Mais il n’est pas question d’accoucher d’une œuvre poussiéreuse, d’un film qui ne serait qu’"à la manière de". Reprenant, dans des numéros riches et variés, tous les codes de la comédie musicale classique (thèmes musicaux récurrents, danse, claquettes…), "La La Land" fait la démonstration que, non, celle-ci n’est pas morte, qu’elle a au contraire toujours sa raison d’être pour parler de la vie d’aujourd’hui.
Centré sur la relation d’une jeune femme et d’un jeune homme se battant pour poursuivre leur rêve, "La La Land" réinterprète ce thème éternel pour montrer combien peut être beau, encore aujourd’hui, le refus de l’ironie et du cynisme. Même si, en ce début de XXIe siècle, il n’est plus aussi facile qu’au temps de "Chantons sous la pluie" et des "Demoiselles de Rocherfort" d’accepter naïvement un happy end. Traversé par une grande mélancolie à propos du temps qui passe, des choix et des compromis qui s’imposent à chacun, "La La Land" n’en reste pas moins d’une telle énergie, d’une telle vitalité qu’elle redonne l’envie de croire encore dans la puissance d’un cinéma à la fois exigeant et populaire.
Depuis Venise, où Emma Stone a reçu le prix d’interprétation, l’enthousiasme n’est d’ailleurs pas retombé ! Encensé par la presse américaine lors de sa sortie, "La La Land" a ainsi raflé il y a quelques jours pas moins de 7 Golden Globes : meilleurs film, réalisateur, scénario, acteur, actrice, musique et chanson originale. Voilà donc Chazelle sur une voie royale pour les Oscars !

Scénario & réalisation : Damien Chazelle. Photographie : Linus Sandgren. Musique : Justin Hurwitz. Montage : Tom Cross. Avec Ryan Gosling, Emma Stone, Rosemarie DeWitt, J.K. Simmons… 2 h 08.