"Les beaux jours d’Aranjuez" : Wim Wenders s’enfonce dans une caricature du mauvais théâtre d’avant-garde
Publié le 15-02-2017 à 10h51 - Mis à jour le 15-02-2017 à 10h52
Après "Everything Will Be Fine" en 2015, l’Allemand Wim Wenders en revient à la 3D pour "Les beaux jours d’Aranjuez", toujours photographié par le Belge Benoît Debie. Sauf que si la 3D était utilisée de façon très intelligente dans son film précédent, elle n’apparaît ici que comme une coquetterie. Une parmi d’autres…
Dans son dernier film, Wenders transpose au grand écran la pièce, écrite en français en 2012 par son ami, Peter Handke. Soit un "dialogue d’été" entre un homme et une femme. Elle raconte ses souvenirs sexuels, lui l’écoute et parle du sentiment de l’été, cette saison hors du temps.
Une tonnelle, une table, deux chaises, le dispositif est minimal. Wenders ne cherche jamais à attirer le théâtre vers le cinéma, sinon en introduisant le personnage de l’auteur, double de l’écrivain autrichien en train d’écrire ce dialogue. L’artifice est total. A tel point qu’on a l’impression de se retrouver dans de l’avant-garde vieillie, qui cherche à briser les conventions de façon purement gratuite.
Si le texte d’Handke (qui apparaît au détour d’une scène) peut sembler très beau, il est desservi par une mise en scène poseuse, qui alourdit tout, rend tout prétentieux. D’autant que si Reda Kateb se sort honorablement de cet exercice impossible, l’Allemande Sophie Semin (la compagne d’Handke) adopte un jeu tellement théâtral, déclamatoire, qu’elle en devient rapidement agaçante… De quoi rendre totalement abscons ce dialogue riche et profond sur les relations entre les hommes et les femmes.
C’est dommage car, comme dans "Every Thing Will Be Fine", la question posée par Wenders par sa mise en scène est intéressante : comment raconte-t-on une histoire ? Quelles en sont les conventions ? Où commence la vérité et où s’arrête la fiction ?
Seule chose à sauver, le très beau travail sur la bande-son. D’un vieux juke-box, sort ainsi, entre deux actes, le son d’un vieux standard du rock : "Just a Perfect Day" de Lou Reed ou "Into my Arms", que Nick Cave finit par reprendre seul au piano à l’écran. Seul moment de grâce d’un film totalement plombé.

Scénario & réalisation : Wim Wenders (d’après la pièce de Peter Handke). Photographie : Benoît Debie. Avec Reda Kateb, Sophie Semin, Jens Harzer… 1 h 31.