"The Lost City of Z" : James Gray plonge au cœur de la forêt amazonienne dans un film d’aventures insaisissable

Hubert Heyrendt

En poste en Irlande, le colonel Percy Fawcett (Charlie Hunnam) n’a quasiment aucune chance d’ascension sociale dans l’armée, son nom ayant été terni par son père. Un jour de 1906, le jeune homme est contacté par la prestigieuse Société géographique royale de Londres. Incapables de s’entendre sur leur frontière commune, la Bolivie et le Brésil ont demandé à l’Angleterre de les départager. Démobilisé par l’armée, le jeune militaire part donc au cœur de la forêt amazonienne avec un assistant (Robert Pattinson) pour défricher et cartographier de nouvelles terres. Avec cette expédition, Fawcett entend au passage redorer le blason de sa famille…

Sur place, le jeune homme se prend de passion pour l’Amazonie. Une passion qui va virer à l’obsession. Arrivé au terme de son voyage, il est persuadé de l’existence d’une cité ancienne, qu’il nomme "Z", vestige d’une civilisation amérindienne avancée. A son retour à Londres, les membres de la Société géographique lui ricanent au nez mais acceptent de financer une nouvelle expédition. A nouveau, Fawcett quitte femme (Sienne Miller) et enfants pour regagner l’Amazone et ses dangers…

James Gray surprend en abordant le destin du colonel Fawcett. Non pas un grand explorateur ayant connu le succès mais un homme qui, contre vents et marées, a campé obstinément sur ses certitudes, au risque de passer pour un rêveur et être oublié de l’Histoire. C’est sur ce nœud que se cristallise le désir du cinéaste américain de réaliser un grand film d’aventures. Car si "The Lost City of Z" semble a priori très éloigné de l’univers de James Gray, celui-ci choisit à nouveau, comme dans "The Immigrant", de dresser le portrait d’un outsider, à qui la bonne société ferme la porte.

Comme tous les personnages de Gray, Fawcett est un homme intègre, tentant contre vents et marées de rester fidèle à ses convictions. En l’occurrence un homme en avance sur son temps, qui refuse les préjugés de ses pairs et la bigoterie de l’Eglise pour affirmer, à travers cette croyance en cette civilisation "sauvage", l’égalité de tous les êtres humains.

James Gray signe un film d’aventures à l’ancienne, refusant l’action à tous crins, le spectaculaire facile. Son inspiration, il la puise plutôt du côté d’"Apocalypse Now" et, forcément quand on filme des aventuriers remontant l’Amazone en radeau, du côté d’"Aguirre". Gray cite même directement "Fitzcarraldo" dans une scène d’opéra hallucinée. Comme chez Coppola ou Herzog, le héros est atteint d’une forme de folie. Mais la folie est ici toute britannique, cadrée par la pression que fait peser sur lui la société étriquée du début du XXe siècle.

Un poil trop long mais porté par un vrai souffle cinématographique, "The Lost City of Z" est un film étrange, qui saute d’un registre à l’autre, du film d’aventures exotique au récit de l’intimité d’une famille, en passant par un film de guerre dans les tranchées de la Somme. Dans chaque registre, James Gray parvient à insuffler sa patte, son refus du second degré ou de l’ironie. Jusque dans la dernière partie du film, la plus mystérieuse, la plus belle aussi, où l’on retrouve tout le lyrisme du cinéaste américain pour décrire la fin d’un héros arrivé au bout de la passion qui le dévore…

"The Lost City of Z" : James Gray plonge au cœur de la forêt amazonienne dans un film d’aventures insaisissable
©IPM

Scénario&réalisation : James Gray (d’après le livre "The Lost City of Z : A Tale of Deadly Obsession in the Amazon" de David Grann). Photographie : Darius Khondji. Musique : Christopher Spelman. Avec Charlie Hunnam, Tom Holland, Sienna Miller, Robert Pattinson… 2 h 21.

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