"Les barons" lancent les festivités des "50 ans de cinéma belge"

H.H.

Ce jeudi, est lancé officiellement le 50e anniversaire des aides publiques au cinéma belge francophone, qui ont vu le jour grâce à un arrêté royal du 22 juin 1967. Durant un an, la Fédération Wallonie-Bruxelles fera la fête à son cinéma. L'occasion, notamment ,de revoir sur grand écran 50 films qui ont marqué l'histoire du cinéma belge en un demi-siècle.

A cette occasion, nous republierons sur Lalibre.be les critiques des films en question, lors de leur présentation en salle.

Première escale dans le temps en 2009 avec "Les Barons" de Nabil Ben Yadir, projeté en soirée d’ouverture de “50/50 – 50 ans de cinéma belge, 50 ans de découvertes”, ce jeudi à 20 h 15 à Flagey, en présence de l'équipe du film. La projection sera suivie d’un drink.

Voici ce qu'en pensait Alain Lorfèvre à l'époque...

Noblesse oblige

Un réjouissant premier film, où la glande est érigée en art de vivre.

"Les barons" lancent les festivités des "50 ans de cinéma belge"
©D.R.

C’est quoi un “baron” ? C’est un glandeur. Mais attention, pas un foutard. Non, un glandeur pro-fe-ssio-nnel. Car pour un baron, la glande est une question de survie. Et Hassan, Mounir et Aziz (Nader Boussandel, Mourade Zeguendi, Mounir Ait Hamou) veulent vivre vieux. A bientôt trente ans, leur vie est “à l’aise”, entre concours de vannes pourries, dragouille, intermèdes au bureau de pointage et petites combines (Mounir chasse les “droites” – vieille légende urbaine révélée). Ah!, il y a aussi les tours en BM(W) – ceux qui se sont toujours demandé comment les “Arabes” se la payaient, leur BM rutilante, vont découvrir l’œuf de Colomb. Et il faut encore supporter Franck (Julien Courbey) qui s’agite pour être anobli quand c’est précisément l’inverse qu’il faut faire. Enfin, la journée se ponctue avec le JT du soir que présente Malika (Amelle Chahbi), la sœur de Mounir, celle qui a réussi et qu’on admire, mais à qui on ne parle plus, parce qu’elle passe à la télé (1er sacrilège) et elle a quitté le quartier (2e sacrilège). Hassan a aussi une envie sacrilège : faire rire. Mais ça, pour son père, pour ses potes, c’est pas un métier. Pire : c’est un crime, de ceux pour lesquels on part en guerre sainte en chantant “Capri, c’est fini”. Alors, Hassan rêve…

Il est des films qui vous imposent un style, un univers, un talent, paf!, comme ça. Nabil Ben Yadir sort quasiment de nulle part. Bon, pas vraiment. D’abord, il sort de Bruxelles, de Molenbeek, pour être plus précis. Ensuite, il s’est battu pour arriver là où il est – scénarii, court métrage,… Enfin, le cinéma, il a ça dans l’œil : il filme sa ville, son quartier (quitte à prendre Saint-Gilles ou Forest comme décors, mais c’est kif, non ?) avec talent et amour. Et une bonne dose de bon sens, aussi (ah!, les potagers urbains de papa Hassan). Le réalisme social, c’est pas son truc (pas ici, en tout cas). Le misérabilisme, non plus. Mais avec l’humour d’Hassan, qui est le sien, ravageur et décapant, il assène pas mal de vérités et se livre à un portrait plein d’affection, mais sans concession des siens.

Nabil Ben Yadir connaît une règle essentielle du conteur : accrocher son public dès la première seconde. Chez lui, ça commence dès l’écran noir du générique avec une voix off, ça se poursuit avec trois paires de tennis taillant le bout de gras (de mouton, pas de porc : c’est du cinéma halal) et ça enchaîne avec Hassan, Mounir et Aziz, légumes parmi les légumes. Il y a une poésie dans les lumières (concoctées par le chef op Danny Elsen). Une inventivité dans la mise en scène et le montage (signé Damien Keyeux). Le tout sans esbroufe, mais avec des idées. Il y a, enfin, de la fraîcheur dans les textes (coécrits avec Laurent Brandebourger) et chez les comédiens : face à un Jan Decleir, en dernier des Belges, à des Edouard Baer et des Jean-Luc Couchard tels qu’en eux-mêmes, Nader Boussandel, Mourade Zeguendi, Mounir Ait Hamou et Amelle Chahbi apportent une crédibilité qui ne tient pas à leur origine, mais à leur talent.

Le réalisateur évite encore les pièges du politiquement correct, du consensus mou ou du vindicatif communautaire. Derrière le (beau) masque de la comédie et Hassan, c’est de lui qu’il parle. “Les Barons” est un cri, mais le cri d’amour et de joie d’un nouveau-né du cinéma, qu’on a très envie de voir grandir. Et si Nabil Ben Yadir a tout pour devenir un seigneur de la caméra, on prend les paris qu’il ne fera pas le baron.

A.Lo.

"Les barons" lancent les festivités des "50 ans de cinéma belge"
©IPM

Réalisation : Nabil Ben Yadir. Scénario : Nabil Ben Yadir et Laurent Brandebourger. Photographie : Danny Elsen. Montage : Damien Keyeux. Avec Nader Boussandel, Mourade Zeguendi, Mounir Ait Hamou, Amelle Chahbi,… 1h51.

"Les barons" lancent les festivités des "50 ans de cinéma belge"
©D.R.

L'agenda des projections

Prochains rendez-vous en salles le 21 juin à Flagey pour une séance de courts métrages ("Le trieur", "Noël au balcon", "Mon cousin Jacques", "La bûche de Noël"), le 23 juin à Cinematek pour "Lettre d'un cinéaste à sa fille", documentaire signé Eric Pauwels en 2000, et le 29 juin à Bozar pour "Mobutu, roi du Zaïre" de Thierry Michel. Lequel animera dans la foulée de la projection un débat sur le Congo aujourd'hui.

Tout l'agenda des projections de films belges (au cinéma mais aussi en télé sur la RTBF), ainsi qu'une mine d'informations sur l'histoire du cinéma belge sur: www.50cinquante.be.

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