"Comme nos parents" : La Brésilienne Laís Bodanzky repense le féminisme contemporain

Hubert Heyrendt

L’image est cruelle. Dans un salon miteux, Blanche-Neige tient un marmot dans chaque bras, tandis qu’une petite fille s’accroche à ses jupons… Que deviennent les princesses après l’amour toujours et la fin du conte de fées ? Le cliché est signé par la photographe américaine Dina Goldstein. Ce n’est pas un hasard s’il est convoqué dans "Comme nos parents"; il résume à lui seul la teneur du nouveau film de la Brésilienne Laís Bodanzky qui, dans un quatrième long métrage très personnel, signe un très beau portrait de femme.

Campée par l’excellente Maria Ribeiro (vue notamment dans "Tropa de Elite", qui avait décroché l’Ours d’or à Berlin en 2007), son héroïne s’appelle Rosa. Mère de deux adorables petites filles, employée modèle, celle-ci se doit en plus d’être une épouse dévouée, alors que son mari Dado semble plus préoccupé par le sort des Indiens d’Amazonie (et peut-être aussi par celui de sa jeune collègue anthropologue) que par sa propre famille. Et comme si cette pression sur ses épaules ne suffisait pas, la mère de Rosa lui lâche une bombe à l’issue d’un repas de famille particulièrement tendu : elle n’est pas la fille de son père ! Elle a été conçue, lors d’un voyage professionnel à Cuba, avec un sociologue aujourd’hui devenu un homme politique brésilien de premier plan… Frappée de plein fouet par la nouvelle, ainsi que par l’annonce que sa mère souffre d’un cancer incurable du pancréas, Rosa va remettre sa vie en cause. Et tenter de réfléchir à qui elle est vraiment et à qui elle voudrait être…

Crise de la quarantaine au féminin, quête d’identité et des origines, question de l’hérédité génétique et de la filiation… Les thèmes abordés par Laís Bodanzky sont riches. Mais la cinéaste brésilienne ne s’égare pas pour autant, car tout est ici observé par le prisme du féminisme. Le but de Bodanzky est de repenser, aujourd’hui, le sens de la pièce d’Ibsen "Une maison de poupée" (dont son héroïne cherche d’ailleurs à écrire une suite). Le combat de Rosa est en effet le même que celui de Nora : tenter de se libérer du poids imposé par la société pour s’affirmer en tant que femme. Comme si, dans un Brésil toujours très machiste, tout restait à faire pour l’émancipation des femmes.

Si la réflexion peut a priori sembler théorique, Laís Bodanzky épate par sa capacité à l’ancrer dans une histoire simple, dans des dialogues soignés et dans des personnages bien croqués… Issue du documentaire, la réalisatrice est une fine observatrice de la société contemporaine brésilienne. Ce qui lui permet de trouver toujours le ton juste et une forme de vérité pour brosser ce subtil et émouvant portrait de femme d’aujourd’hui.

"Comme nos parents" : La Brésilienne Laís Bodanzky repense le féminisme contemporain
©IPM

Réalisation : Laís Bodanzky. Scénario : Laís Bodanzky & Luiz Bolognesi. Photographie : Pedro J.Márquez. Montage : Rodrigo Menecucci. Avec Maria Ribeiro, Clarisse Abujamra, Paulo Vilhena Jorge Mautner, Annalara Prates, Sophia Valverde… 1h42.

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