"Victoria and Abdul" : Un Stephen Frears plan-plan explore une amitié historique méconnue
- Publié le 18-10-2017 à 12h23
En 1887, à la fin de son règne, qui a déjà duré 62 ans, la reine Victoria, veuve depuis 20 ans, s’ennuie à mourir. Minée par les cérémonies barbantes et les dîners de gala en compagnie de l’aristocratie européenne, elle ne prête que peu d’attention à ces activités officielles. Lors de la présentation d’une médaille en son honneur en provenance d’Inde, elle est pourtant intriguée par cet Indien maladroit qui, à l’encontre du protocole, ose la regarder dans les yeux ! Elle demande même à le revoir et en fait son valet pour la durée du Jubilé. Avant de l’intégrer carrément à la maison royale en tant que "Munshi", une sorte de gourou… Le jeune homme de cinquante ans son cadet lui enseigne l’urdu et les principes du Coran. En effet, Abdul n’est pas Hindu mais musulman. Alors qu’en Inde, des soldats musulmans se sont mutinés et ont tué des centaines de soldats britanniques, voilà une amitié qui ne passe pas auprès de l’entourage de l’impératrice des Indes. Son Premier ministre et son fils Bertie vont tout faire pour tenter d’éloigner l’importun.
On n’attendait pas Stephen Frears dans le registre du film historique classique. Mais le cinéaste est un malicieux. Ainsi, d’emblée, précise-t-il : "Tiré de faits réels… principalement." C’est qu’on ne connaît en effet pas grand-chose de cet Abdul Karim, dont on a juste retrouvé un journal intime qui racontait son amitié avec la reine (tout le reste des documents ayant été brûlés par la Cour à la mort de Victoria)… La question de savoir si ce brave Indien n’aurait pas pu être, tout simplement, un imposteur est à peine traitée. Comme son titre l’indique, "Victoria and Abdul" se centre uniquement sur l’amitié, teintée de romance platonique, entre la souveraine et ce jeune Indien auprès duquel elle reprend goût à la vie.
A peine plus creusée, la question du pouvoir se résume à la confrontation d’une reine toute puissante avec une cour réduite à une série de portraits pour le moins caricaturaux… Sur ce sujet, Stephen Frears se montrait autrement plus inspiré quand il croquait une autre reine britannique, Elizabeth II, dans "The Queen", film beaucoup plus féroce dans sa description des arcanes du pouvoir. Reste une impériale Judi Dench (que Frears retrouve après "Philomena" en 2014), très à l’aise dans les robes de la reine Victoria, qu’elle avait d’ailleurs déjà incarnée dans "Mrs. Brown" de John Madden en 1997.

Réalisation : Stephen Frears. Scénario : Lee Hall (d’après le livre de Shrabani Basu). Musique : Thomas Newman. Avec Judi Dench, Ali Fazal, Tim Pigott-Smith, Michael Gambon, Olivia Williams, Eddie … 1 h 52.