"La villa" : Robert Guédiguian fait le point

Hubert Heyrendt

Pour son 20e film, le Marseillais retrouve sa famille de cinéma dans un petit film bouleversant.Suite à une sévère attaque de leur père, Angèle, Joseph et Armand se retrouvent dans la villa familiale, qui donne sur une petite calanque tranquille de Marseille. Leur père avait rêvé ce lieu comme une commune libre, un petit bout d’utopie communiste aujourd’hui sur le point de disparaître alors que tout le monde ou presque a vendu son cabanon à de riches citadins. En plein hiver, l’endroit est désormais quasiment désert. Durant ces quelques jours, les deux frères et la sœur font le point sur leur vie et sur l’idéal que leur a transmis leur paternel. Qu’ils vont devoir mettre en acte quand leur tombent dessus trois enfants migrants…

Après un détour par le film historique sur le terrorisme arménien dans "Une histoire de fou", Robert Guédiguian revient avec un petit film très émouvant, dans lequel il réunit à nouvau sa petite bande d’acteurs fétiches (Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan et Jacques Boudet), vingt-deux ans après "Ki lo sa ?", dont il réutilise d’ailleurs quelques séquences où l’on retrouve son trio d’acteurs tout jeunes dans une séquence bouleversante.

Tournant le dos aux grands discours politiques (dans lesquels il a parfois tendance à tomber), le Marseillais renoue ici avec la tonalité magique de "Marius et Jeannette". A 63 ans, il livre en effet un film d’une profonde humanité, où il semble faire le deuil de l’utopie socialiste qui l’a toujours porté, pour se recentrer sur le noyau familial. Nourri de souvenirs que l’on sent très personnels - comme cette façon de pêcher le poulpe avec ses pieds sur les rochers -, "La villa" en dit beaucoup du désenchantement du cinéaste face à l’évolution de la société actuelle, représentée par les personnages plus jeunes et plus cyniques, campés par Anaïs Demoustier et Yann Trégouët. Même si Guédiguian ne perd pas tout espoir, confiant à Robinson Stévenin un très beau rôle de fils de pêcheur ayant repris le petit bateau de son père et tentant de préserver son héritage…

Comme personne, Guédiguian sait rendre grâce à cette classe ouvrière, fière et digne, aujourd’hui disparue. Mettant en scène plusieurs générations, il enregistre non seulement la disparition de l’idéologie mais aussi et surtout l’irrémédiable passage du temps. Mais s’il est nostalgique - le personnage de Darroussin décoche ainsi, au milieu d’une ribambelle de répliques bien senties : "C’était mieux avant, très clairement !" -, le film n’en reste pas moins plein de vie. En empreint de cette chaleur qui est la patte du cinéaste marseillais quand il est à son meilleur.

A l’écran, Gérard Meylan tente tant bien que mal de continuer à faire tourner le "Mange-tout" (du nom d’un petit poisson local), le restaurant du père, en restant fidèle à son esprit : un resto bon et pas cher, accessible à tous. Robert Guédiguian ne fait rien d’autre : un cinéma simple et pas cher. Et pourtant, avec pas grand-chose, une simple histoire de fratrie se retrouvant après 20 ans d’absence, "La villa" brasse une série de thèmes d’une très grande richesse et redonne envie de croire en la beauté de la nature humaine.

"La villa" : Robert Guédiguian fait le point
©IPM

Réalisation : Robert Guédiguian. Scénario : Robert Guédiguian et Serge Valletti. Photographie : Pierre Milon Avec Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan, Jacques Boudet, Anaïs Demoustier, Robinson Stévenin, Yann Trégouët… 1h47.

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